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Et si quelque part quelque chose se mettait simplement à vous remplacer

Le duo d’artistes Fabien Giraud et Raphaël Siboni affectionne les devinettes. À la dernière exposition «Force de l’art», ils avaient conçu une boîte noire géante montée sur ressorts, animal incontrôlable qui se démenait en tous sens. On n’osait approcher ce cube hystérique qui gardait alors en ses entrailles la cause de son agitation mystérieuse, au grand dam de notre curiosité piquée au vif. Pour leur première exposition monographique à la galerie Loevenbruck, les deux acolytes interrogent, suite logique de l’énigme, la notion de résolution.

Ainsi, sobre et laid comme toutes les vraies machines, un ordinateur repose sur le sol, laissé là sans plus de ménagements que l’on en a pour tout ce qui est bassement utilitaire. Clignotant en silence, l’appareil tente de résoudre une équation à la simple vue de laquelle on se surprend à penser que, décidément, les mathématiques sont bien sciences dures.
D’après les estimations, la machine, torturée et souffreteuse, parviendra à résoudre cette formule dans 400 millions de milliards d’années. Considérant les calculs infinis, quelle pertinence de la résolution coûte que coûte?

Une vidéo ésotérique, mutique, occupe un pan de mur. L’on y distingue un disque blanc, plus ou moins au centre, très lentement dévoré par une aura orangée qui envahit peu à peu l’espace. Si l’on arrive à se sortir de la torpeur dans laquelle nous plonge la vision de cet astre en plein naufrage et que l’on jette un coup d’œil au cartel, l’on apprend qu’il s’agit d’un coucher de soleil, surpris au sein du désert australien.

Cette vidéo confine à l’abstrait car elle a été réalisée sans lentille ni objectif, à l’aide d’une caméra de très haute résolution. Bien qu’a priori l’image soit d’autant plus détaillée que la résolution est importante, en ce cas précis la haute résolution ramène à l’idée de sensation.
En effet, nul détail inutile ne vient détourner l’attention de celui qui, contemplant l’image, éprouve cette sensation pure, hypnotique. Rien ne vient troubler le spectacle du crépuscule qui mange l’étoile, dans une «astrophagie» délicieuse et cruelle. Où l’on retrouve alors l’image sensorielle grâce à la haute définition. Paradoxal.

Affichés au mur, deux textes imprimés sur deux feuilles A4, Å“uvre en collaboration avec Raimundas Malasauskas. L’expression «haute résolution», indiquant la qualité d’impression des écrits, contraste avec la vision globale que l’on a du dispositif, assez cheap: deux feuilles de papier machine, scotchées au mur. Sur le mode narratif, les deux textes mettent la notion de résolution en abyme: d’une part, parce qu’il faut déchiffrer le texte, relativement abscons et, d’autre part, parce que ledit texte aborde la question de la résolution de l’image.

Autre énigme, deux grandes feuilles de papier, verticales, sont à l’étroit dans leur cadre aux dimensions trop réduites pour les contenir. Les plis qui se forment alors offrent une résolution inopinée: leurs tortueux détails confèrent aux fades monochromes une autre dimension. De la seconde à la troisième dimension.

Enfin, deux plaques de cuivre sont encrées en manière noire. Leur surface étant griffée, le noir laisse transparaître les couleurs fauves du cuivre à certains endroits. Subtiles, les teintes sont insaisissables. Question de résolution.

Résolus à résoudre, les deux artistes Fabien Giraud et Raphaël Siboni construisent autour de la notion de résolution un ensemble d’œuvres résolument fascinant.

— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre, 2010. Manière noire sur cuivre #1. 2500 x 1250 x 2 mm
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre, 2010. Manière noire sur cuivre #2. 2500 x 1250 x 2 mm
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre, 2010. Papier Arche 300g grain fin #1. Feuille compressée par le cadre, feuille: 213 x 113 cm; cadre: 200 x 100 cm
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre, 2010. Papier Arche 300g grain fin #2. Feuille compressée par le cadre, feuille: 213 x 113 cm; cadre: 200 x 100 cm
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre, 2010. En collaboration avec Raimundas Malasauskas, ensemble de deux textes sur feuille, texte haute résolution, police Times New Roman, corps 12. 21 x 29,7 cm chacune
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, 0 (La Vallée Von Uexküll), 2009. Vidéo, 4K RAW HD. 39 min 44 sec
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre, 2010. Ordinateur bi-processeur Xeon 3.06 Ghz