PHOTO | CRITIQUE

Establishment forever

14 Nov - 10 Jan 2010
PSarah Ihler-Meyer
@30 Nov 2009

L’esthétique de la ruine est au cœur du travail de Martin d’Orgeval. Les pans de murs décrépits, les surfaces de peinture écaillée et les rebuts qui jonchent le sol deviennent les éléments de compositions photographiques quasi abstraites, conçues comme autant de miroirs intérieurs.

Un appartement new yorkais délabré est à l’origine d’Establishment Forever. Les murs décrépits, la peinture écaillée, les traces d’objets disparus mais aussi les rebuts qui jonchent le sol — un cabinet, un pot rempli de clous, etc. — entrent dans le vocabulaire plastique de Martin d’Orgeval. Plastique et non pas iconographique car, dans ses photographies, chacun des éléments vaut davantage pour ses qualités formelles que pour sa signification.

Cadrés frontalement ou légèrement de biais, les murs deviennent des compositions abstraites, presque picturales. Les craquelures de peinture, les taches de couleurs géométriques ou informelles sont regardées pour elles-mêmes, en tant que propriétés sensibles de l’image et non en tant qu’indice d’une situation déplorable. De même pour les objets tels que le cabinet dont les courbes et la poussière entrent en harmonie avec les lignes orthogonales du parquet, des fenêtres et des piliers.

Cette esthétisation de la ruine par son passage à l’abstraction trouve un antécédent chez Walker Evans. Essentiellement connu pour son style documentaire en noir et blanc, ce photographe américain a dans les années 1970 photographié en couleur les rebuts de la société industrielle. A travers son regard les détritus deviennent les éléments de compositions abstraites proches de l’abstraction lyrique. Incontestablement Martin d’Orgeval partage avec Walker Evans une admiration pour la poétique baudelairienne. «Des ordures, une fleur peut naître. Voici mes fleurs» (Martin d’Orgeval).

Mais, c’est aussi parce que la ruine «montre les effets du temps et de l’expérience» (Walker Evans) que Martin d’Orgeval en fait l’objet de cette exposition. Son intention explicite est de faire son autoportrait sans en passer par sa propre apparence.
L’abstraction des murs photographiés, le caractère formel et sensible de ses images visent à produire une ressemblance non pas extérieure mais intérieure: l’individualité non pas telle qu’elle est perçue mais telle qu’elle est éprouvée.

Å’uvres
— Martin d’Orgeval, Sans titre. L’Ame (The Soul), 2009. Photo C print. 149 x 117,5 cm.
— Martin d’Orgeval, Sans titre. L’Ame (The Soul), 2009. Photo C print. 149,5 x 116 cm.
— Martin d’Orgeval, Sans titre. L’Ame (The Soul), 2009. Photo C print. 52 x 40 cm.
— Martin d’Orgeval, Sans titre. L’Ame (The Soul), 2009. Photo C print. 61 x 79 cm.
— Martin d’Orgeval, Sans titre. L’Ame (The Soul), 2009. Photo C print. 61 x 79 cm.

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