ART | EXPO

Erotique Éther

05 Juin - 14 Juil 2007
Vernissage le 02 Juin 2007

Entre sculpture et décor, l’œuvre de Delphine Coindet déploie une matérialité en volume qui fait image.

Delphine Coindet
Erotique Éther


Intitulée «Érotique Éther», la première exposition de Delphine Coindet à la galerie Laurent Godin se présente sous des auspices bien intrigants. Originellement, Ether était une divinité grecque personnifiant le ciel. Par extension, le nom commun désignait la brillance du ciel puis jusqu’au XVIIIe siècle la sphère céleste et l’hypothétique fluide censé la matérialiser. Au risque d’augmenter cette polysémie, on ne peut s’empêcher de penser à la substance volatile du même nom au point qu’elle passe instantanément de l’état liquide à gazeux. Cette fugacité ne fait qu’augmenter le charme de ce produit fortement psychoactif.

L’exposition évoque d’emblée la brillance, l’insaisissable et l’ivresse. Ceux qui connaissent l’œuvre de Delphine Coindet ont fait l’expérience d’une sculpture simultanément image et manifestation matérielle. Paradoxale et ainsi indéterminée, la sculpture échappe à une saisie totale. On présente souvent l’histoire de la sculpture du XXe siècle selon deux pôles, constructiviste ou projectif ; d’un côté une adresse à l’entendement, de l’autre un piège au désir du spectateur.
Dans cette perspective, Delphine Coindet nous soumet à une expérience bien cruelle. Développant un magnifique jeu de surfaces réfléchissantes, absorbantes, colorées ou simili, la sculpture piège progressivement votre regard et, tel du mercure, échappe à toute appréhension.
Nombre des œuvres de cette exposition comportent des particularités qui se jouent en surface. Les textures habituellement explorées sont ici prolongées de découpes en bord franc, de perforations et de jeux de relief. La cicatrice et la boucle (Choco) appartiennent d’ailleurs au registre de la parure et de l’ornement; ce dernier terme désignant en architecture les sculptures et les moulures qui servent à orner la surface. Dans les armoiries, l’ornement est ce qui est hors de l’écu (timbres, bourrelets, cimiers, etc.). Il est à la périphérie ce qui échappe aux codes signifiants.

Cette exposition est née d’un travail préparatoire particulier. Delphine Coindet a réalisé de nombreux assemblages de matériaux et de papiers variés comprenant des emballages qui ont été ouverts, mis à plat et abîmés (Choco). À la fois altération et décor, les scarifications deviennent ici magnifiquement ambivalentes. Ce grand travail en surface se révèle doucement fétichiste.
À propos de Happy Angles, une étoile à même le sol sur laquelle sont négligemment dispersés des éléments, l’artiste donne l’image d’un vide-poche, un pêle-mêle d’encombrants modestes dont on ne peut dissocier le geste rapide et négligé. Ces assemblages ont parfois l’apparente simplicité du collage dont l’immédiateté contraste pourtant avec la production de l’artiste qui délègue souvent à différents artisans. Dans un angle, Torche procède d’une simple juxtaposition. Le cône et le carré ainsi superposés produisent une chaîne d’images allant d’une cheminée à une figure stylisée de mascarade.
À de rares nuances près, les oeuvres de cette exposition induisent une frontalité étonnante de la part d’une artiste qui nous avait habitués à une oeuvre qui oscillait entre la sculpture et l’environnement. À la manière d’un paravent largement ouvert ou plutôt d’un théâtre, Psyché déploie des formes dont le fond de scène en marbre semble se fissurer.

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