ART | EXPO

Eric Duyckaerts

29 Mai - 28 Juil 2007
Vernissage le 26 Mai 2007

Depuis des années, l’artiste belge Eric Duyckaerts élabore un corpus à base de conférences-performances, de vidéos, d’objets, de dessins et de textes, dont un livre sur la certitude intitulé Hegel ou la vie en rose.

Eric Duyckaerts 
Eric Duyckaerts

Depuis des années, Eric Duyckaerts, artiste belge né en 1953, installé en France, élabore un corpus à base de conférences-performances, de vidéos, d’objets, de dessins et de textes, dont un livre sur la certitude intitulé Hegel ou la vie en rose. Ses communications et ses objets sont drôles et intrigants ; ils agissent comme des verres grossissants permettant de regarder de plus près des figures préhistoriques apparentées tels que le carré ou le labyrinthe, des jeux comme la marelle, des problèmes complexes d’analyse logique opposant la quantité au nombre, la masse au poids, l’analogique au numérique, ou encore des questions d’algèbre booléen. Eric Duyckaerts a donné des cours sur les diagonales, la problématique du couple, l’épistémologie du bonheur, l’histoire et le sens du carré ; il a démontré la relation du labyrinthe au plan en croix (utilisé comme modèle pour la cité de Troie) et aux opérations immobilières contemporaines. Il a redessiné des marelles (jeu paléolithique évocateur d’une renaissance, aujourd’hui en forme de cathédrale, dont la trace a été conservée par les enfants) avec un code binaire (0 et 1, les marches du paradis) et les barres de Sheffer, opérations logiques qui annulent les conjonctions afin de rendre possible, au paradis bien sûr, le calcul suivant : 0 + 0 = 1. Il a garni des mobiles d’objets dotés d’énigmatiques correspondances afin, dit-il, qu’un rouleau à pâtisserie fasse pompe à air de la même façon qu’un prisme réducteur fait loupe. Ses vidéos sont drôles et sérieuses d’une manière qui n’est possible que dans le contexte de l’art, où le sens rôde derrière l’humour et le style.

Dans son exposition de 1993 intitulée «La main à deux pouces», composée d’une conférence, d’une vidéo, de dessins et d’un moulage de main à deux pouces, il s’interrogeait sur un fait curieux : nous avons un os dans le bras, l’humérus, relié par le coude aux deux os de l’avant-bras, le radius et le cubitus, qui se rejoignent au poignet et se terminent par cinq doigts, dont un pouce. Mais pourquoi pas deux pouces ou six doigts ? La synergie, grâce à laquelle un plus un peut être égal à cinq, offre une réponse à cette énigme de l’évolution où la somme s’avère supérieure aux parties. La phénoménologie, méthode selon laquelle la réalité peut se déduire des objets et de leur observation, prend une dimension toute personnelle chez Duyckaerts : les objets sont déformés de façon humoristiquement plausible, au-delà de l’absurdité d’un comique américain comme Steven Wright. Steven Wright : «Bon, quelle est la vitesse du noir ?» Eric Duyckaerts : «Nous ne pouvons ordonner la structure en lumières/seconde, pas plus que le rôti en fractions d’éléphant.»

Pour lui, l’humour est le prétexte et non le seul but de ses spéculations artistiques sur les possibles théoriques, l’étymologie des mots ou l’idée de Wittgenstein selon laquelle «le sens, c’est l’usage» (nous expliquerions le monde en fonction de l’usage quotidien que nous en avons, cette grille de lecture disparaissant cependant dans l’inconscient collectif à force de répétitions). Sa méthode dérive pour partie de l’art conceptuel et des performances des années 1970. Mais à son épistémologie, à son système de connaissances reposant sur les «pourquoi» et les «peut-être» de sa curiosité artistique, il ajoute l’esquive philosophique, la fiction thérapeutique bâtie sur des distorsions vraisemblables. Lesquelles distorsions s’appuient sur des faits, sur l’histoire et sur des développements raisonnés partant d’analogies cosmologiques pour arriver à une logique mathématique. Son verdict est sans appel : «S’il y a décalage entre certitude et vérité, la certitude de ce décalage sabote sa vérité.»

En repoussant les limites du faire (propre à l’homo faber), de la réflexion (propre à l’homo sapiens) et de l’humour (pratiqué par l’homo ludens), il pique l’imagination et annonce de futures découvertes sur les structures symboliques et l’évolution, la répétition et le processus, les mots et les règles (pour reprendre le titre de l’ouvrage du chercheur en sciences cognitives Steven Pinker sur «les ingrédients du langage»), le sens et l’usage. C’est-à-dire à peu près tout.
La Vérité selon Duyckaerts par Jeff Rian

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