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Équation du temps

PRaphaël Brunel
@12 Jan 2008

Chez Angela Detanico et Rafael Lain, le langage et l’image fusionnent dans une œuvre empreinte de sémiologie qui suggère le mécanisme du temps. Les œuvres exposées à la Galerie Martine Aboucaya proposent chacune à leur manière d’expérimenter cette dimension spatiale et temporelle.

Les artistes brésiliens Angela Detanico et Rafael Lain collaborent ensemble depuis 1996. Parallèlement à l’exposition qui leur est consacrée au Musée Zadkine où leurs œuvres sont mises en relation avec celles du célèbre sculpteur, Martine Aboucaya les accueille dans sa galerie du Marais. En se réappropriant les outils du graphisme et en expérimentant différents types de médiums, ils interrogent sans relâche les relations entre l’image et le langage en proposant un vocabulaire visuel qui pose les bases d’un système linguistique rénové.

Chez Angela Detanico et Rafael Lain, le langage et l’image fusionnent dans une œuvre empreinte de sémiologie qui suggère le mécanisme du temps, le mouvement orbital d’un corps céleste. Les œuvres exposées à la Galerie Martine Aboucaya proposent chacune à leur manière d’expérimenter cette dimension spatiale et temporelle.

L’invention typographique est au cœur du processus créatif de Angela Detanico et Rafael Lain, qui détournent une règle établie au profit d’une signalétique codée à déchiffrer. Ainsi, l’entrée de la galerie est occupée par des piles de ramettes de 500 feuilles emballées sous papier kraft. Cette accumulation minimaliste, qui pourrait faire penser à une zone de stockage, constitue en fait une écriture «concrète» : chaque lettre correspond à un nombre donné de ramettes (un bloc pour A, deux pour B et ainsi de suite de manière croissante), plus la lettre se rapproche de la fin de l’alphabet plus la hauteur de la pile est importante.

Ils déploient également d’autres de leurs inventions typographiques comme la Helvetica Concentrated, dérivée de la traditionnelle police Helvetica, obtenue par la concentration, sous la forme d’un point plus ou moins gros et dense, de la quantité d’encre nécessaire pour réaliser un symbole graphique. Ce procédé est ici appliqué, à travers une vidéo et un ensemble de sérigraphies, aux noms d’étoiles. Il en résulte une accumulation circulaire jouant sur la densité de matière, qui renvoie autant au Disque de Robert Delaunay et au Target de Jasper Johns qu’à l’imagerie scientifique.

Après un détour par les étoiles, Angela Detanico et Rafael Lain s’attarde sur la Terre et sur sa répartition géographique. En effet, avec Sous le soleil, ils utilisent les segments formés par les fuseaux horaires pou redécouper le monde de manière géométrique. Il en résulte un planisphère haché, qui laisse à chacun le loisir de le déchiffrer et de se l’approprier, où la notion de durée s’oppose à celle de distance. Parallèlement, des cadrans horaires sont projetés sur les murs afin de signifier l’écoulement du temps.

Enfin, et toujours pour signaler l’inexorable emprise du temps sur les êtres et les choses, Angela Detanico et Rafael Lain décomposent de manière virtuelle, avec la vidéo Or, autrement, une nature morte du XVIIIe siècle. Progressivement, dans une temporalité réduite à une faible pulsation, l’image d’origine s’efface, les couleurs s’affadissent et s’évaporent, pour ne laisser qu’une poussière de points colorés. Cette œuvre résonne comme une Vanité moderne, qui exprime le rôle destructeur du temps. Cependant, la galaxie de matière qui résulte de cette désintégration semble annoncer un big bang imminent, suggérer une force créatrice.

La notion de temps, tout comme le langage, est donc chez Angela Detanico et Rafael Lain soumis à des manipulations, à des découpages, qui le dénaturent et le reformulent, mais qui, une fois digérés, sont intégrés au vocabulaire plastique des deux artistes.

Angela Detanico & Rafael Lain
— Pilha (Ce qui compte), 2006. Installation, 127 ramettes de 500 feuilles de papier emballées sous kraft. 116 x 390 x 21 cm.
— Silent Sun, Whispering Moon, 2007. Installation sonore en deux parties, 2 haut-parleurs, miroir, soleil, son.
— Analemme #1, 2007. Texte composé en Avenir, 365 signes, vinyl adhésif noir mat. 15 x 10,5 cm chacun.
— Dans le bureau, série Les Etoiles, 2007. Impression jet d’encre sur papier, verre sérigraphié, encadrement 40 x 40 cm chaque.
— Sous le soleil (Zulu Time), 2007. Installation, écriture dérivée du système des fuseaux horaires. Crayon, plexiglas découpé, 25 parties, 70 x 20 cm chaque.
— Sous le soleil (Minute à minute), 2007. Ecriture dérivée du système des fuseaux horaires, 24 impressions jet d’encre sur papier, encadrées 32,5 x 23 cm chaque.
— Sous le soleil (Sens horaire), 2007. Vidéo projection, écriture dérivée du système des fuseaux horaires, film d’animation noir et blanc, sans son, 12 heures, boucle.
— The 25 brightest stars, 2007. Vidéo projection, texte composé en Helvetica concentrated, film d’animation, noir et blanc, son (avec Dennis McNulty), env. 7 min, en boucle.
— Or, autrement, 2006. Vidéo projection, film d’animation, couleur, sans son, 2 écrans en bois, env. 8 minutes en boucle.
— Année Solaire (Analemme #1), 2007. Impression numérique, 365 éléments. 15 x 10,5 cm chacun.

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