ART | CRITIQUE

Entschlülft

PMarie-Jeanne Caprasse
@05 Déc 2011

Janaina Tschäpe compose ses tableaux comme de grandes symphonies où la vibration colorée anime un territoire habité et mystérieux. Sensualité, force génératrice et hybridation des formes sont les lignes directrices d’un art intimement connecté à la Nature.

Que ce soit dans ses sculptures vivantes, ses peintures ou ses performances vidéo, Janaina Tschäpe manifeste une fascination pour ce que l’on pourrait nommer l’énergie vitaliste. Elle manipule avec fantaisie et jubilation un univers animé qui quitte les rives de la familiarité pour aborder celles de la chimère, du rêve exotique et de l’étrange. Si ses territoires d’expression on été pendant longtemps la performance vidéo et photographique, l’artiste est revenue à la peinture et au dessin il y a quelques années.

Les grandes compositions exposées à la galerie Xippas évoquent le paysage mais restent abstraites. Traduisant la force génératrice de la nature, l’artiste compose des jardins tentaculaires parfois traversés de présences animales. Par les effets de grouillement et de répétition des motifs, elle donne naissance à une structure proliférante qui semble contenir un mouvement interne faisant éclater le cadre. Comme si son travail consistait à accoucher d’une forme naissante vouée à grandir, à s’étendre au-delà de la surface imposée.

Travaillant à l’aquarelle et au pastel sur de grandes feuilles de papier, Janaina Tschäpe joue sur les transparences et les superpositions. Elle cultive également la distorsion, les effets de lumière qui divisent la perception de l’objet. Certaines compositions font d’ailleurs penser au travail du vitrail, les lignes dessinant une structure porteuse découpant les formes qui ici et là laissent passer la lumière et sculptent ces jungles abstraites. Dans un jeu subtil d’articulation et d’emboîtement, les plans s’entremêlent pour donner un ensemble riche où le regard se perd.

Les dessins de Janaina Tschäpe sont davantage un travail sur le sujet et moins sur la forme. Conjuguant le langage du végétal et de l’animal, elle donne naissance à des êtres hybrides, mi-végétaux, mi-insectes, qui sont tous autant de probabilités d’êtres, d’ébauche de possibles. Comme dans ses sculptures humaines, elle travaille la mutation, l’organique et la sphère, métamorphosant les corps et les inscrivant dans un cadre de nature.

A l’entrée de la galerie, il ne faut pas manquer la très belle vidéo performance, There is a Pink Cloud for You, réalisée le 27 septembre 2011 à la galerie Haunch of Venison (NY). On sort ici du cadre paysagé mais on reste dans un univers pulsionnel, pétri d’énergie vitale.
Fascinante et jouissive dans le jeu de construction avec des sucreries, cette performance met cependant mal à l’aise par la souillure rouge sang qui se diffuse peu à peu sur la structure immaculée en sucre blanc. On assiste à un processus de vie et de mort, de jubilation dans l’expression d’être qui se transforme cependant rapidement en acte de dégénérescence, la dégradation par le liquide rouge sang étant porteuse d’une déliquescence qui mènera à terme à l’écroulement du dispositif.
Une belle évocation de l’énergie créatrice et destructrice qui définit notre monde comme celui de Janaina Tschäpe.

Å’uvres
— Janaina Tschäpe, Nymph 1, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 55,8 x 76,2 cm
— Janaina Tschäpe, Entangled, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 181 x 141,3 cm
— Janaina Tschäpe, Nymph 4, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 76,2 x 55,8 cm
— Janaina Tschäpe, Lady of the Night, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 115,5 x 143,2 cm
— Janaina Tschäpe, Luna Forest, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 149,2 x 230,5 cm
— Janaina Tschäpe, Aurora, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 152,5 x 264,5 cm
— Janaina Tschäpe, Study for Insect Life Form 4, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 30,5 x 22,9 cm
— Janaina Tschäpe, Night Hunt, 2011. Aquarelle et pinceau aquarellé sur papier. 104 x 142 cm

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