ART | CRITIQUE

En face

Vernissage le 30 Oct 2010
PEmmanuel Posnic
@22 Nov 2010

Dans «En face», l'artiste anglais Gavin Turk expose à l'étage de la galerie Almine Rech soixante douze bustes et autant d'interprétations de son propre visage.

Alors que la figure du spectateur s’efface chez Teresita Fernàndez, qui expose au rez-de-chaussée de la galerie Almine Rech, c’est tout le contraire pour Gavin Turk. Et pourtant, à voir les multiples séquelles laissées sur ce qui s’apparente dans son exposition à des autoportraits, on pourrait imaginer que l’être humain n’est que peu de chose, tout juste un objet aussi malléable que l’argile.

Par interprétation, il faut entendre intervention, plus ou moins violente, à partir d’un portrait en série promptement réaliste. Ces pièces sont la restitution d’une performance qui s’est tenue chez Gavin Turk en avril et pour laquelle le bouillonnant artiste anglais avait sollicité soixante douze personnes prêtes à lui refaire le portrait.
«En face», titre français, résume assez bien sa position: jeter la figure de l’artiste en pâture au public, imaginer le «face à face» et poser l’immanquable question du statut de l’auteur.

Qui est l’artiste? Chez Gavin Turk, il se confond souvent avec un panthéon quelque peu arrangé. Che Guevara, Andy Warhol, Joseph Beuys, Sid Vicious, Elvis Presley et bien d’autres apparaissent ainsi par l’image ou sous les traits d’un personnage de cire d’une proximité confondante avec Gavin Turk lui-même.
Et quand il n’est pas au premier plan, grimé à la manière de, c’est la posture rock de l’artiste, entre désinvolture et acte créateur, qu’il met en scène. Une cocasserie, un appel du pied assumé à Dada, au ready-made duchampien et aux grandes pages de l’histoire de l’art contemporain. Au public ensuite d’aller se frayer un chemin à l’intérieur de ce dédale multi-référencé. Et de débusquer la perche tendue par Turk, car il y en a toujours une. C’est aussi ce qui rend son travail tellement vivifiant: cette interactivité immédiate, ce sens de la mascarade comme un effet de manche qui ne blufferait personne.

Sous le vernis de l’artiste en constante représentation, il y a chez Gavin Turk un véritable besoin de partager avec le spectateur sa passion pour l’acte de création. Fut-il de la plus grande banalité, comme ces soixante douze autoportraits saccagés, c’est l’ultime don de soi, l’alchimie christique et artistique par excellence.
Et pour le spectateur, plus prosaïquement, une occasion unique d’achever la «bête».

Lire la critique de l’exposition de Teresita Fernàndez.

— Gavin Turk, Ving Ruktar, 2010. Argile. 34 x 24 x 24 cm.
— Gavin Turk, Vitkun Arg, 2010. Argile. 26 x 30 x 28 cm.
— Gavin Turk, Gunk Art Iv, 2010. Argile. 33 x 21 x 23 cm.
— Gavin Turk, Varing Ktu, 2010. Argile. 26 x 23 x 24 cm.
— Gavin Turk, Ring Vat Uk, 2010. Argile. 31 x 22 x 29 cm.
— Gavin Turk, Narvik Gut, 2010. Argile. 29 x 27 x 33 cm.
— Gavin Turk, Rignut Vaki, 2010. Argile. 30 x 29 x 25 cm.

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