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Eloge du vertige: photographies de la Collection Itaú

18 Jan - 25 Mar 2012
Vernissage le 17 Jan 2012

Le Brésil est aujourd’hui l’un des principaux pôles de création dans le domaine de la photographie. Cette exposition, qui retrace 60 ans de production expérimentale, démontre la capacité du Brésil à absorber les influences étrangères, à refléter sa vertigineuse histoire politique et à façonner, parmi tant de labyrinthes, une expression authentique.

Geraldo de Barros, Miguel Rio Branco, Mario Cravo Neto, Claudia Andujar, Rosângela Rennó,…
Eloge du vertige: photographies de la Collection Itaú

Dans les années 1920, le Brésil, poussé par les machines, la vitesse et une soudaine richesse apportée principalement par les exportations de café, tourne son regard vers un futur prometteur et construit des métropoles en prenant pour référence l’architecture des villes européennes. Cette génération qui copie spontanément la culture des autres, renie ainsi son héritage non linéaire et métissé. (…) En 1924, le poète Oswald de Andrade (1890-1954) écrit sur un ton critique et amusé le Manifesto Pau-Brasil et en 1928 le Manifesto antropófago. Ces textes proposent dans leurs grandes lignes de ne pas renier la culture étrangère, mais de la «dévorer» pour la digérer en la faisant passer par le filtre de «l’estomac» des références nationales. Cette opération doit donner naissance à des oeuvres issues de la somme de «nous + eux», à un savoir et une culture hybrides.

Il est vrai que la photographie brésilienne est restée en dehors du mouvement moderniste des années 1920. En Europe, des artistes, poussés par le dadaïsme et le surréalisme, et par les préceptes du Bauhaus ont déjà permis à la photographie de faire des vols libertaires. Au Brésil, ces impulsions doivent attendre 25 ans pour avoir un écho.
Les premiers pas dans cette direction sont donnés par l’artiste Geraldo de Barros (1923-1998) qui, comme la plupart des artistes de l’époque, se consacre au figurativisme. (…) C’est la première fois au Brésil que la photographie est systématiquement produite en dehors des canons de la documentation.

Le Brésil traverse ensuite une période de nuages noirs. Entre 1964 et 1985, sous la dictature militaire, cette production à caractère plus expérimental disparaît presque totalement. La photographie pendant la «période de plomb» se tourne presque exclusivement vers sa fonctionnalité documentaire afin de faire la propagande du régime militaire ou vers le photojournalisme, qui parvient rarement à avoir un regard critique en raison de la censure imposée aux médias.

La fin de la dictature militaire et le processus de démocratisation au Brésil, marqué officiellement par l’approbation des élections directes au Congrès national en 1985, créent une atmosphère nouvelle qui permet peu à peu une reprise plus libre et moins dogmatique de la production artistique. Trois auteurs majeurs
servent de guides pour cette nouvelle phase de la photographie brésilienne: Miguel Rio Branco, Mario Cravo Neto et Claudia Andujar. En ayant recours à des stratégies poétiques et expérimentales, ils créent un champ fécond, humaniste et original qui est perçu par les nouvelles générations comme un vaste territoire à explorer. Réalisme et fiction se mélangent de telle sorte dans les oeuvres de ces artistes que la notion de vertige est la meilleure manière de définir non seulement cette esthétique, mais aussi la vision du monde à travers leur photographie.
Rosângela Rennó se joint ensuite à eux, son travail questionne, de manière singulière, l’insertion et la circulation de la photographie dans la société contemporaine, en interrogeant son rôle d’agent de la mémoire. (…)

Au milieu des années 1990, le Brésil s’ouvre au monde grâce à une atmosphère de plus grande liberté civile, même si celle-ci demeure tortueuse sur le plan politique et qu’il subsiste de sérieux problèmes économiques. (…) Avant cette période, les questions sociales étaient essentielles, comme celles sur les questions de l’identité nationale. Dans ce second temps, on perçoit clairement un changement de paradigmes. De plus, une certaine simplification de l’utilisation de la photographie, possible grâce aux nouvelles technologies, permet sa diffusion auprès d’un plus grand contingent d’artistes. Issus de domaines différents comme la peinture, le cinéma, la performance et la sculpture, ces artistes arrivent à la photographie en la pensant et l’exerçant librement, hors de tout dogmatisme, sans limites ni censures préalables. Cette attitude contribue de manière décisive à étendre les possibilités formelles et conceptuelles de la photographie. (…)
Eder Chiodetto

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