ART | CRITIQUE

Eldoradio

POrnella Lamberti
@12 Juin 2011

Parce que la liberté de créer et de s’exprimer n’est jamais acquise, l’exposition «Eldoradio» narre et rappelle, en un gai babillage, les luttes menées par les radios pour avoir le droit d’exister.

Essentiellement centrée sur les années 80, période de toutes les batailles radiophoniques — des radios pirates aux radios libres — l’exposition «Eldoradio» est le fruit de la collaboration entre le collectif éponyme, dont le but est de mettre en valeur les archives de radio, et Bétonsalon, association gérant un centre d’art et de recherche.

L’espace d’exposition crépite de toutes parts de documents sonores, audiovisuels et écrits. Un joyeux fouillis savamment mis en scène par des artistes, des journalistes, des historiens et des universitaires. «Savamment» car rendre attractive une exposition se constituant autour des archives de radio est une gageure. A ce titre, la scénographie, lorgnant clairement du côté du ludique, parvient à séduire malgré la sécheresse apparente de la thématique.

Ainsi, le visiteur peut-il confortablement s’installer sur des poufs tout en écoutant un «medley» d’archives radio extraites de l’Encyclopédie de la parole, créé par David Christoffel. Ou contempler la fresque au mur composée de photographies et documents inspirés du livre de Thierry Lefebvre La Bataille des radios libres (1977-1981).
Un MP3 fourni par Bétonsalon lui permet de compléter cette installation en écoutant des archives sonores en rapport avec ce qui est présenté. Il peut également feuilleter quelques recueils sur la radio et la revue réalisée par les étudiants de licence Information et Communication de l’université Paris Diderot, documentée, dessinant les grandes lignes du projet.

La journaliste Isabelle Cadière présente deux documentaires, un concernant les femmes dans le milieu de la radio, l’autre le combat mené par Radio Lorraine Cœur d’Acier. Les frères Dardenne, eux, s’intéressent aux radios libres. «Eldoradio» n’est pas une exposition laborieuse, historique et didactique: les intervenants ont travaillé le matériau radiophonique pour proposer chacun une vision de la radio.

Parmi tout cela, des recettes de cuisine, des pamphlets, des fous rires, de franches engueulades, des découvertes musicales, des grands moments de solitude, des «aléas du direct», des témoignages nécessaires, des débats sur la drogue et la sexualité… Un juke-box foutraque, à l’aune de la diversité des radios. Mais de Radio Galère à Radio Lip en passant par Nova, une seule volonté s’affiche, aussi pluriels que soient ces supports: s’exprimer, souvent envers et contre tout.

Cette somme d’informations monumentale manque, peut-être, un peu de clarté et d’organisation. Mais le parti-pris — rendre vivant et accessible notre patrimoine radiophonique — est clairement atteint. Puisque l’on resterait des heures à écouter ces voix. Passionnant.

 

AUTRES EVENEMENTS ART