DANSE | SPECTACLE

La Posibilidad que desaparece frente al paisaje

03 Oct - 05 Oct 2019

Le duo barcelonais El Conde de Torrefiel compose des performances transdisciplinaires. Leur pièce La Posibilidad que desaparece frente al paisaje est l'une d'elles. Une pièce à la plastique séduisante, comme un voyage acidulé dans la mémoire européenne, entre rêve et insomnie climatisée.

Théâtre, performance, danse… La Posibilidad que desaparece frente al paisaje (2015) [La possibilité qui disparaît face au paysage] est une pièce transdisciplinaire. Ou inclassable. Créée par le duo barcelonais El Conde de Torrefiel (Pablo Gisbert et Tanya Beyeler), le spectacle se déploie comme une suite de tableaux vivants. Sur une scène dépouillée : quelques personnes, des éléments ludiques et de l’absurde. La pièce compose un récit d’images animées. Et les quatre interprètes — Nicolás Carbajal Cerchi, David Mallols, Tirso Orive Liarte et Albert Pérez Hidalgo — génèrent un spectacle à la fois énigmatique et limpide. La trame narrative pourrait être la suivante : dans une époque tétanisée par l’angoisse de voir se répéter les horreurs du XXe siècle, quatre personnages déambulent. Au fil de dix saynètes (chorégraphie d’Amaranta Velarde), pour dix villes européennes, La Posibilidad que desaparece frente al paisaje dresse alors l’image d’un monde engourdi, entre somnambulisme et réveil.

Performance : La Posibilidad que desaparece frente al paisaje d’El Conde de Torrefiel

Après une catastrophe, les lieux portent souvent la marque du temps zéro. Ce moment où les compteurs font semblant de se remettre à zéro, où la mémoire sature. Dans les espaces urbanisés, de tels lieux se reconnaissent à leurs allures de friches. C’est Tchernobyl en Ukraine, Verdun en France, mais également Oświęcim en Pologne. Cette durée est alors celle de la sidération. La végétation recouvre lentement les plaies. Les vestiges de la culture humaine sont mangés par tout le reste du vivant. Ou par tout le vivant qui reste. La Posibilidad que desaparece frente al paisaje [La possibilité qui disparaît face au paysage] part de cette dévoration. Dans La Carte et le territoire (2010), Michel Houellbecq donne vie à Jed Martin. Un artiste qui consacre la fin de son œuvre à créer des vidéos où la nature mange la culture, où le territoire engloutit la carte, en accéléré.

Une performance douce-amère en dix tableaux, dix villes européennes

Outre Michel Houellbecq, Pablo Gisbert et Tanya Beyeler citent également Louis-Ferdinand Céline. Mais aussi le film Shoah (1985) de Claude Lanzmann, dans lequel les plans de végétation viennent ponctuer l’atterrement. Quand l’humain reste médusé, mais que l’herbe continue de pousser. Pièce ludique, séduisante, un peu énigmatique… La Posibilidad que desaparece frente al paisaje trace les contours de l’oubli. Ou du divertissement-détournement. Un immense château gonflable aux couleurs acidulées ; des sacs plastiques multicolores ; une guirlande de corps nus ; des plantes en pot… Les images sont attrayantes. Comme des prospectus publicitaires. Une simplicité qui laisse cependant deviner quelque chose de plus grouillant et sombre. Les dix villes européennes sont Berlin, Bruxelles, Florence, Kiev, Lanzarote, Lisbonne, Madrid, Marseille, Thessalonique et Varsovie. Autant de volcans endormis sur lesquels danser. Et lentement la carte postale se déchire, laissant place à un miroir dans lequel questionner son propre regard.

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