ART | EXPO

Effigies

26 Mai - 31 Juil 2010
Vernissage le 26 Mai 2010

A travers ses divers travaux vidéos réalisés entre 2004 et 2010, Marie Voignier aborde la construction du réel par le film. C’est à chaque fois l’interstice d’indétermination entre réel et fiction qui semble être l’objet de son étude.

Marie Voignier
Effigies

L’exposition «Effigies» est l’occasion de présenter de façon quasi-exhaustive les films de Marie Voignier, dans une volonté de donner à voir l’ensemble de son travail. Installations et soirées de projection permettront de découvrir une trajectoire précise qui s’inscrit dans un paysage théorique contemporain, où l’image est réhabilitée comme outil de connaissance.

Que peuvent avoir en commun un parc de loisirs installé dans une ancienne halle à zeppelins, une boîte de formation qui intègre ses stagiaires à une chaîne d’entreprises fictives, la couverture médiatique du procès du criminel autrichien Fritzl et le récit du parcours professionnel d’une actrice de voix-off ? A travers ces sujets, tous traités par Marie Voignier, dans divers travaux vidéos réalisés entre 2004 et 2010 (Hinterland, 2009, Les Fantômes, 2004, Hearing the Shape of a Drum, 2010, Going for a Walk, 2007), l’artiste aborde la construction du réel par le film. C’est à chaque fois l’interstice d’indétermination entre réel et fiction qui semble être l’objet de son étude.

Pour réaliser l’installation Going for a Walk, Marie Voignier a mené l’interview d’une actrice de voix off et présentatrice télé, au cours de laquelle cette dernière narre différents épisodes de sa vie professionnelle. L’interview retranscrite, il lui est demandé de «rejouer» le texte à plusieurs reprises, sur une période d’un an. La vie transformée en script lui apparaît insupportable, obligeant l’actrice à mettre prématurément fin au processus d’enregistrement.

Dans Hearing the shape of a drum, Marie Voignier s’empare d’un fait divers qui donne lieu à un procès à huis clos pour dévoiler la mise en scène de l’actualité par le reportage télé «à chaud». Elle se mêle à la foule des journalistes, et, tout comme eux, pour combler le manque d’images du procès et des crimes, prend le ballet médiatique comme sujet de reportage.

Ce qui peut d’abord apparaître comme une déconstruction de l’image télévisuelle montrant «l’envers du décor», prend ensuite une dimension plus ambigüe. Par un choix de plans attentif, une construction précise du montage, l’artiste réhabilite en fait l’image mise en doute par la critique post-moderniste (dans le sillage de Debord ou de Baudrillard, l’image a été un temps diabolisée, devenant instrument de manipulation et de mensonge).

Si on ne peut demander à une seule image de dire «toute la vérité» car elle n’est qu’un lambeau, qu’un objet partiel, le montage de plusieurs images «intensifie l’image et rend à l’expérience visuelle une puissance que nos certitudes ou habitudes visibles ont pour effet de pacifier, de voiler.» (Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Les Editions de Minuit, 2005, p.170). C’est à une rédemption de l’image comme outil de connaissance que Marie Voignier procède, par petites touches, à travers l’ensemble de sa filmographie.

Pour le film Des trous pour les yeux (2009) co-réalisé avec Vassilis Salpistis un anthropologue du Musée de Thessalonique s’accoutre d’un costume traditionnel grec appartenant aux collections du musée et se livre à une danse rituelle. Par effet de montage, vient alors le discours de l’ethnologue qui, contre toute attente, témoigne de ses propres conditions de travail. L’artiste crée ainsi de nouveaux rapports entre l’objet de musée et le discours qui lui est lié. Comme dans Hinterland ou Les Fantômes, la parole «officielle» est contredite par les faits, et prend les traits d’une mascarade.

Marie Voignier ne se pose pas en donneuse de leçon : elle met sans cesse en doute la part du réel dans son travail pour mieux la réhabiliter par la suite. Elle semble exercer un «droit de retrait» qui donne plus de force à son propos, jamais imposé par le discours, toujours suggéré par une image soigneusement construite. En fabriquant du dissensus, «d’autres communautés des mots et des choses, des formes et des significations» (Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique éditions, 2009, p.112), elle inverse la logique qui anime les détracteurs de l’image. Elle procède au renversement de l’opposition coutumière entre langage — apanage de l’élite intellectuelle, de l’ordre du père — et images — instruments de manipulation des masses abruties par la télévision. Les fictions ainsi réalisées sont un outil de compréhension du réel au service de l’intelligence du spectateur.

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