LIVRES

Edouard Pignon

Philippe Bouchet consacre une monographie au peintre Edouard Pignon, artiste essentiel du débat figuration/abstraction au XXe siècle.

Information

Présentation
Philippe Bouchet
Edouard Pignon

Figure essentielle du débat sur la peinture qui agite la scène artistique française de la seconde moitié du XXe siècle, Edouard Pignon est un artiste qui a contribué de manière fondamentale à la question de la figuration et apparaît comme un acteur de talent dans le rapport complexe qu’entretient l’art moderne français avec la problématique de l’objet et du décoratif.

Les préoccupations d’Edouard Pignon, qui fut présent dans tous les combats politiques et idéologiques de son temps, sont celles d’un peintre se gardant toujours de tout ce qui peut imposer à la peinture «une manière de faire». Il cherche non à dépeindre la réalité pour démontrer, mais à recréer le réel pour le peindre. Spirale dialectique dans laquelle il investit toute sa force.

Voiles pâles d’Ostende, paysages de Provence où la distance s’abolit, vigueur des Bouquets de pieds saisis dans la trajectoire du plongeon, paysans rendus comme des arbres, bleus de Collioure et verts parasols des Dames du soleil, Pignon fait assaut d’inventivité, de liberté, de violence et de poésie mêlées.

Né en 1905 dans une petite ville du Nord de la France, Edouard Pignon s’engage dans une voie qui semble toute tracée — on est mineur de père en fils dans cette famille implantée dans la région depuis près de trois siècles. Enfant et adolescent, il fait montre d’une personnalité originale et d’une solide opiniâtreté. Les cours de dessin et d’anatomie par correspondance comme l’apprentissage de la peinture à l’huile grâce à un livre d’initiation sont déjà, à ses yeux, de merveilleux moyens qui brisent son isolement.

Il mesure alors que sa vie doit être autre, qu’il doit changer son destin, ce qu’il fait en 1927, peu après son retour du service militaire en Syrie. Il rompt ainsi avec la terrible réalité du pays minier et, contre l’avis de tous, s’installe à Paris pour devenir peintre. En ces temps de crise économique, les premières années parisiennes le voient exercer différents métiers. Il est ouvrier spécialisé, retoucheur en photographies, lithographe puis metteur en pages. Son inscription à des cours du soir — ceux des académies du boulevard Montparnasse où il s’initie à la peinture et à la sculpture, ceux de l’université ouvrière où il se passionne pour la littérature et la philosophie —montre une avidité insatiable à se former, à rattraper le temps passé.

Lorsqu’il ne visite pas les musées et les galeries, il emploie ses heures de congé à peindre des paysages des bords de Seine ou des natures mortes classicisantes dont la mise en place est pour lui une «véritable cérémonie de peinture». Dès le début des années 1940, ses pairs reconnaissent «ses splendides qualités de coloriste» et le classent «parmi les valeurs les plus accomplies» du moment.

Ni figurative, ni abstraite ─ ou bien peut-être les deux à la fois ─ sa peinture ne se limite pas à une reproduction du visible mais, bien plus, franchit l’obstacle du réel. Il ne peut en être autrement, tant il lui est nécessaire de représenter le monde, d’en donner une image plus juste, tant il apparaît comme une évidence que «sa seule manière de vivre» est d’interroger le monde par la peinture.

L’auteur
Philippe Bouchet
est historien de l’art. Il a consacré dès 1985 ses recherches à l’œuvre d’Edouard Pignon dont il est devenu très proche, et a été commissaire de plusieurs expositions consacrées à l’œuvre de l’artiste. Il prépare la publication du catalogue raisonné de son œuvre peint.