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Ecostream

Il ne faut pas s’y laisser prendre… «Ecostream» n’est pas un de ces nombreux néologismes liés à l’environnement, aussi creux qu’au goût du jour. Ici, le préfixe éco — du grec oikos signifiant «maison» ou «habitat» − renvoie bien à un lieu existant, et non à un concept. Il s’agit d’un endroit singulier découvert par le photographe Guillaume Janot en 2007, au cœur d’un grand parc public de Pékin, où le promeneur «peut s’immerger dans une campagne fleurie, idyllique, savamment mise en scène».

A la fois «sauvage et rassurant», ce morceau de nature factice, délocalisé de son écosystème d’origine − pris au sens large: biologique, culturel et économique − dépasse le cadre de la «reconstitution à l’identique».
La démarche n’est pas scientifique, comme dans ces nouveaux musées de l’environnement (Biodôme de Montréal) ou écomusées(Le Creusot), responsables de la conservation et de l’exposition du vivant. L’«Ecostream» de Pékin n’est pas la présentation d’un milieu naturel, mais sa représentation; la transcription approximative d’une idée de la nature, bien plus chargée de culture qu’il n’y paraît. Un cliché en somme.

Séduit par l’ambiguïté de ces paysages construits, emblématiques de la faune et de la flore d’une région ou d’un pays, Guillaume Janot nous les livre dans leur illusion première.
Les cascades ou la jungle luxuriante d’Ecostream recouvrent les murs de la Fondation Ricard sans qu’on puisse en deviner le caractère fabriqué. Le cadre participe au subterfuge. Il relègue dans le hors-champ les indices susceptibles de le trahir, comme les infrastructures en tout genre. Ainsi, à première vue, il est difficile de s’apercevoir que la tour Eiffel et le château des ducs de Bavière ne sont que des maquettes à échelle ½ photographiés par l’artiste dans un parc d’attraction.
A l’inverse, on hésite à croire à l’existence, dans les rues de Pékin, de ce restaurant de spécialités françaises affublé d’une façade à colombage et d’un baldaquin en pierre, aussi insolite qu’anachronique, reflet d’une certaine image de l’Europe.

Mais le travail de Guillaume Janot ne semble pas s’arrêter à ce jeu de cache-cache visuel, révélateur de nos préjugés et de nos constructions mentales ou encore d’un idéal collectif. Il rappelle aussi que la copie, toujours relative, a une existence autonome et donne le jour à une autre réalité. Ecostream, ersatz de nature, n’en est pas moins existant.
En cela, et par extension, l’exposition amorce une réflexion sur le médium en lui-même. La photographie, plus qu’un simple procédé de reproduction qui documente sur le réel, est d’abord un point de vue. Une reconstruction du visible par le regard. Une idée de la réalité, elle aussi nourrie de notre subjectivité…