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Each and every one of you

22 Nov - 22 Jan 2011
Vernissage le 20 Nov 2010

Dans Each and Everyone of you la masse et la multitude sont représentées, analysées et critiquées comme formes et comme concepts politiques. Allan McCollum amène le spectateur à percevoir dans une masse d’abord indistincte chaque élément dans son individualité.

Communiqué de presse
Allan McCollum
Each and every one of you

Dès ses premiers travaux, l’artiste américain Allan McCollum s’est évertué à tout quantifier: le nombre de pièces que ses systèmes lui permettent de fabriquer, celles qui ont déjà été réalisées, celles qui ont été exposées.
Songeons aux Surrogate Paintings, ersatz de tableaux qu’il commence en 1978, puis aux Plaster Surrogates (à partir de 1982), moulages en plâtre peint dont la technique de fabrication accroît notablement la capacité de production de l’artiste.
Songeons encore à la brocante générique que sont les Individual Works, petits objets moulés, réalisés en gypse à partir d’un assemblage de deux moules, chacun étant différent des autres. Les Individual Works ont été par exemple produits à 30 000 exemplaires, les Surrogates à quelques milliers.

Plus récemment, Allan McCollum a atteint avec The Shapes Project (toujours en cours) une échelle encore plus massive. Avec le logiciel Illustrator, l’artiste conçoit et assemble manuellement des formes simples, qui peuvent être ensuite matérialisées sur tous les supports, dans toutes les tailles, et connaître des appropriations multiples.

La création suit un strict système numérique qui empêche que ne se produise deux fois la même combinaison: sur les 31 milliards de formes que son système lui permet de réaliser, McCollum en a réservé 214 000 000 pour des «expérimentations créatives »[http://homepage.mac.com/studioarchives/amcnet2/album/shapes/intro.html].

Chaque shape est unique; chacun peut donc théoriquement en posséder une. En 1992 déjà, à la fin d’un entretien fleuve avec l’artiste américain Thomas Lawson, McCollum affirmait son amour des «grandes quantités» en art.

La plupart des séries de l’artiste répondent ainsi à ce paradoxe d’être des séries d’objets uniques mais produits en grande quantité: «Les artistes semblent accepter, sans se poser de questions, d’avoir pour destin de produire des objets rares –des objets pour un usage exclusif. C’est d’après moi la raison pour laquelle l’activité avant-gardiste reste coupée du grand public» explique-t-il ainsi.

Réalisé en 2004, Each and Every one of you peut être analysé dans la continuité de cette utilisation de la forme «grandes quantités». Présentée pour la première fois en Europe à la Salle de bains, l’oeuvre est constituée de 1200 impressions encadrées et inventorie les 600 prénoms masculins et féminins les plus communs aux États-Unis. L’estimation est fondée sur un recensement réalisé par le U.S. Census Bureau
entre 1997 et 2000. Ce recensement inclut ainsi tous les américains, des plus âgés aux plus jeunes, dans un intéressant mélange des générations.

L’emploi du texte a été rare jusqu’ici dans le travail de l’artiste américain, qui a privilégié l’exploration de la dimension sculpturale et symbolique de l’objet. Il a réalisé seulement deux autres séries à partir de texte, les Visible markers, objets multiples destinés à exprimer la gratitude (et qui contiennent le mot «merci» en différentes langues) et la série des Small world drawings (2000), dessins de couples de prénoms constitués à partir de la mailing list des usagers les plus fréquents de la galerie qui accueillait la pièce.

C’est d’ailleurs la nature de signe des mots qui intéresse l’artiste avant tout. «C’est effrayant de penser à des prénoms, je crois. À quoi serventils? Comment vivrait-on sans nom? Pourquoi les utilisons-nous? C’est une vraie question anthropologique. Sans eux, pourrions-nous gérer le fait de
connaître plus de trente personnes? Si nous n’avions pas de noms, est-ce que nous aurions des dépressions nerveuses, serions-nous terrifiés par les autres? Serait-ce un cauchemar? Est-ce que tous les individus se mêleraient, au sein d’une vaste et terrifiante âme collective?» se demande-t-il ainsi.

Dans Each and Every one of you, comme dans Small world drawings (2000), seuls des prénoms sont ainsi utilisés: en l’absence de patronymes, personne ne se trouve désigné en particulier. Les prénoms font masse et génèrent ainsi une foule d’associations libres et contradictoires: un chanteur, l’être aimé ou un amour perdu, une star de cinéma, un ancien professeur, une amie, un proche, une connaissance éloignée. La liste s’étend à l’infini. Gageons que l’appropriation de la pièce par un public européen sera d’ailleurs fort différente de celle du public américain.

De notre côté de l’Atlantique, John, James, Sharon, Kimberly ou Jerry évoqueront certainement plus facilement des souvenirs culturels, qu’ils ne cristalliseront des anecdotes autobiographiques. Qu’elle déclenche chez le spectateur une réaction sentimentale, ou une analyse culturelle, anthropologique, ou tout cela en même temps, Each and Every one of you peut être décrite comme une machine à produire des associations hautement émotionnelles.

Cette oeuvre est un mémorial, un mémorial générique. L’une des sources de cette pièce est en fait les school annuals, ces livres que les écoles américaines publient chaque année, avec les noms et les photographies de tous les étudiants. Ce sont également les carnets d’adresses personnels, explique l’artiste. Libre à chacun de se projeter néanmoins dans ce mémorial générique pour en activer la puissance affective. «Signer les impressions une par une a été comme une intense psychanalyse», explique encore Allan McCollum. «J’ai eu une réaction singulière presque devant chaque nom, même si je ne l’avais jamais entendu jusque là –et beaucoup de ces associations étaient douloureuses, et pleines de tristesse. Comme ma vie défilant devant mes yeux, mais sous la forme d’un code.»

Un autre aspect important de la pièce est le protocole strict selon lequel elle est installée, avec la hiérarchisation des noms par ordre de popularité. Ainsi plus on descend dans la liste, et plus les noms perdent de leur familiarité. L’oeuvre organise un passage de la généricité de l’expérience culturelle à la spécificité de l’expérience individuelle.

Comme dans The Shapes project, dans Each and Every one of you la masse et la multitude sont ainsi représentées, analysées et critiquées comme formes et comme concepts politiques. Allan McCollum amène alors le spectateur à percevoir dans une masse d’abord indistincte chaque élément dans son individualité.

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