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Dynasty. Vincent Ganivet

Après son Dégât des eaux acquis par le FNAC en 2005, Vincent Ganivet s’aventure vers le monumental. Pour l’exposition «Dynasty», il a construit deux sculptures en parpaings, dont le système d’arches autoportantes tient en équilibre de façon précaire.

Elisa Hervelin. Sur quel système technique reposent tes sculptures? Avec qui as-tu travaillé?
Vincent Ganivet. J’ai travaillé avec des amis de manière empirique et ludique, en reprenant l’équation de la forme de la chaînette. C’est un système traditionnel, que Gaudí utilisait déjà dans son architecture. Je ne suis donc passé ni par un ordinateur, ni par un ingénieur. Juste par une maquette. La courbe des blocs permet à l’ensemble de tenir sans liant ni colle.

J’ai expérimenté ce système il y a un an environ. Depuis, je multiplie les expériences: ma toute première pièce était un igloo, ensuite j’ai construit des formes de roues. Au Musée, j’exploite trois fois cette courbe mais sur trois hauteurs différentes. Au Palais de Tokyo, j’ai complexifié les formes en faisant une seule arche sur trois pieds différents, ce qui donne un ensemble plus déséquilibré. Ce sont des pièces massives mais fragiles. Des sangles, des cales et des étais de sécurité matérialisent cette fragilité.

Ce n’est pas la première fois que tu travailles avec des parpaings. Qu’est-ce qui t’intéresse dans ce matériau?
Vincent Ganivet. J’ai travaillé dans le bâtiment, ce qui m’a apporté une connaissance des matériaux de chantier, de leurs capacités et de leurs limites. J’aime le moment de la mise en œuvre: le montage est pour moi un challenge. J’aime aussi l’idée d’utiliser un matériau local: le parpaing est typiquement français et a la capacité de parler immédiatement au public français. Quand j’expose à l’étranger, je choisis un autre matériau, plus local, comme l’argile en Allemagne ou le ciment en Corée.

Mais, avant tout choix de matériau, c’est un processus que je recherche, plutôt qu’une œuvre finie. De manière plus générale, je m’intéresse à la notion de contre-emploi: le parpaing est communément utilisé pour faire des murs droits. J’essaie au contraire de faire tenir des formes courbes, presque organiques. Maintenant que je sais manipuler ce système d’arches, j’ai envie d’aller vers le plus tordu, vers le plus inquiétant.

Tes travaux précédents jouent aussi sur des déséquilibres et des accidents. A quels niveaux cela t’intéresse-t-il?

Vincent Ganivet. Ce n’est pas la catastrophe en tant que telle qui m’intéresse mais l’approche de l’accident comme quelque chose de beau et de poétique. Le spectateur est libre de l’accepter ou non: a priori le parpaing est un matériau qu’on n’a pas envie de regarder et qu’on cache sous des enduits ou de la peinture.

L’apparente fragilité de mes sculptures laisse imaginer au spectateur un danger imminent: elles le responsabilisent en quelque sorte. De plus, cela perturbe le système de sécurité, ce qui permet de créer des liens entre l’œuvre, le public et l’institution.

La sculpture que tu exposes au Musée d’art moderne est intégrée dans la salle de la Fée électricité peinte par Raoul Dufy. Comment vos deux œuvres dialoguent-elles?

Vincent Ganivet. Elles renvoient à un même univers, celui du travail et de la construction. En guise de clin d’œil, on y retrouve les portraits des ingénieurs Bernoulli, Huygens et Leibniz, qui ont participé à la formulation de  l’équation de la chaînette. Pour moi, c’était inouï de pouvoir construire sous leurs yeux !

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