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Dynasty. Nicolas Milhé

L’œuvre caustique de Nicolas Milhé questionne certains faits de société, en manipulant les signes qui leur sont attachés et sous divers médiums. Pour l’exposition «Dynasty», il interroge les dimensions sécuritaire et républicaine de notre société actuelle.

Elisa Hervelin. Sur le toit des arcades qui relient le Palais de Tokyo au Musée d’art moderne, tu as fixé une enseigne lumineuse composée des lettres Respublica. C’est une œuvre que tu avais déjà exposée dans d’autres lieux. Peux-tu revenir sur son histoire? Pourquoi cet emplacement t’a-t-il plu?
Nicolas Milhé. En effet, elle a été produite pour la Biennale Evento à Bordeaux en 2009 où elle était placée sur des silos à grains à 35 mètres de hauteur. Mais elle a été pensée pour être démontable et pouvoir voyager. Elle entre ici en résonance avec plusieurs aspects de l’architecture néoclassique du Palais de Tokyo: d’une part, la raideur, d’autre part la période fasciste. Placer l’idée de «République» dans ce contexte est assez grinçant.

Formellement, le dispositif singe une enseigne publicitaire. J’ai choisi une typographie Helvetica, tout ce qu’il y a de plus standard. L’enseigne est composée de 800 ampoules de basse consommation, fixées sur une structure en acier, avec des coffrages en aluminium pour les lettrages. La République s’annonce un peu comme un produit à vendre.

C’est une tautologie, «respublica» signifiant étymologiquement «la chose publique, le bien public». Cela questionne ainsi directement la notion d’art public et évidemment l’état lamentable du pacte républicain aujourd’hui…

Dans l’œuvre intitulée Meurtrière (Dolomites), tu t‘appropries un dispositif militaire. Tu as également travaillé sur d’autres dispositifs défensifs, tels que le mur. Qu’est-ce qui t’intéresse dans ces motifs ?

Nicolas Milhé. Pour moi, ce sont des décors politiques, des éléments qui ne servent à rien concrètement mais dont la présence physique rassure un certain électorat. Le dessin de ces sculptures plutôt anachroniques (meurtrières d’archers) engendre deux positions: l’une offensive, l’autre défensive. Cela peut évoquer de nombreuses zones-tampons du contexte actuel: l’Israël et la Palestine, la guerre en Iraq, l’Inde et le Pakistan, le Mexique et les Etats-Unis, les banlieues sud de Rome, etc.

Cette œuvre parle de la sauvagerie ambiante et de la façon dont on se met à l’abri derrière des frontières pour ensuite tout se permettre de l’autre côté. Les anglo-saxons utilisent l’expression «beyond the pale» à ce sujet. C’est le même thème que j’aborde dans Hyène, où je mets tout simplement un attribut humain — des dents en or — sur l’animal le plus communément déconsidéré.

Ton travail a une forte connotation politique. Comment envisages-tu ton rôle d’artiste dans la société?
Nicolas Milhé. Il y a huit ans, j’ai monté une fausse boîte d’architecture, que j’ai appelée Clairvoyance Architecture. Je lançais des rumeurs, mais sur des faits extrêmement sérieux, comme le désamiantage. Concrètement, je faisais circuler cette rumeur de désamiantage sous forme de courriers, diffusés à 5000 exemplaires dans un quartier, en Belgique.

Les courriers renvoyaient le public vers un site internet qui n’était qu’une liste de liens vers d’autres sites directement concernés (comme les ministères, les associations de victimes) et qui touchaient les réalités et les dangers de l’amiante. C’était une sorte de miroir tendu, à la Kafka, qui poussait les gens à se renseigner et à se rendre activistes à ma place. Je lance une rumeur et je disparais, laissant l’ovni fonctionner tout seul et se propager. Ce qui me plaît, c’est le côté flottant de cet objet dans l’espace public.

Mes œuvres sont des constats sur des faits existants. Je pars toujours de faits réels; je n’invente rien. Pour moi, l’art ne doit surtout pas être militant mais il est de toute façon politique. C’est un vecteur démocratique indispensable. Il doit être réactif, sans être trop démonstratif. Garder une forme de légèreté me semble important: certains de mes travaux, comme Hyène, relèvent clairement de l‘humour potache.

Tu aimes varier les médiums. Quelles sont tes approches formelles?

Nicolas Milhé. A un moment, j’ai privilégié la 2D, sous forme de cartographies, de photos. Ensuite, j’ai expérimenté la sculpture, dans un style minimal. Meurtrière s’apparente à un travail sériel. Dans l’autre pièce de cette série, j’ai repris la même forme mais elle est entièrement laquée noire, en référence au minimalisme américain.

Je ne suis pas fixé sur un médium. J’aime travailler avec des corps de métiers différents car c’est très enrichissant. Je collabore régulièrement avec la boîte de production Buy-sellf et avec le jeune couple d’architectes bordelais Samira Aït-Mehdi et Sylvain Latizeau. Ils ont assuré la production de Respublica. Je suis aussi artiste associé sur certains de leurs projets.

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