ART | CRITIQUE

Dots Obsession

PNicolas Villodre
@17 Juil 2008

Dans le cadre du cycle «Dialogue interculturel : la rencontre des folies», qui comprend un grand colloque sur la santé mentale en Europe, la Grande Halle de La Villette accueille «Dots Obsession», une installation de l’artiste japonaise Yayoï Kusama, à base de ballons géants, roses à pois noirs.

Selon la légende, lorsqu’elle n’était encore qu’une enfant, Yayoï Kusama aurait eu un choc visuel en contemplant longuement les pois imprimés de la nappe familiale. Elle aurait, à partir de là, imaginé ce qu’il adviendrait si ce motif se mettait à proliférer dans la toute la maisonnée.

Plusieurs années avant Yoko Ohno, en 1957, Yayoï Kusama, la Japonaise excentrique, se rendit aux États-Unis. Elle fréquenta l’avant-garde new-yorkaise et contribua à divers mouvements artistiques ainsi qu’à des courants de mode: le psychédélisme, le happening, le pop art, l’op’art, le Nouveau Réalisme. Elle soignera, si l’on peut dire, sa sortie d’Amérique : de retour au Japon, en 1973, elle décide de se réfugier dans un hôpital psychiatrique où elle vit et travaille toujours, d’où elle ne sort que pour honorer ses vernissages.

Ses œuvres sont constituées de structures répétées à l’infini, telles que des miroirs, des jouets d’enfant, des fleurs, des friandises et aussi des symboles phalliques. Mais on la connaît surtout pour son leitmotiv de pois, déclinés sous une variété de couleurs et de tailles depuis plus de quarante ans. Satie avait ses chansons en forme de poire, Yayoï Kusama a ses motifs en forme de pois.

L’expo de La Villette est composée de gonflables géants, roses comme des cochonnets, parés comme des panthères d’énormes smarties noires, et qui produisent un effet bœuf.
Les sphères mollassonnes sont posées à même le sol ou accrochées aux cintres. Une tente de bédouin, chic comme celle où Kadhafi recevait ses visiteurs dans le parc de l’Hôtel Marigny, peut également être visitée. On peut ainsi contempler l’envers du décor, le monde clos, la phalanstère formelle de l’artiste ou, si l’on veut, l’envers de ses médailles.

Est-ce que ces bulles de Malabar sont encore de l’art ? Et qu’a voulu signifier l’artiste ? Rendre hommage aux frères Montgolfier? Faire un clin d’œil au ballon surnaturel de la série télé de Patrick McGoohan The Prisoner? Ou, tout bêtement, jouer avec un des trois plus petits communs dénominateurs de l’art dont traite Kandinsky dans Point, ligne, plan (dot, comme, du reste, spot, signifiant point en anglais)? Mystère et boule de gomme.

Yayoï Kusama
Dots Obsession, 2008. Gonflables. Installation.

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