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Don Brown

12 Jan - 09 Fév 2008

Après s’être longtemps choisi comme seul modèle de ses sculptures, Don Brown a entrepris, il y a presque dix ans, de ne plus représenter que son épouse. Plus petites que l’original, ces sculptures sont le fruit d’un patient travail, affirmant leur singularité dans le paysage manufacturé de l’art de notre époque.

Don Brown
Don Brown

Comme les statues égyptiennes dont la longueur d’une robe, la forme d’une coiffure ou la manière de représenter les yeux permettent la datation, ce ne sont que quelques accessoires qui inscrivent Yoko dans une éventuelle temporalité : la forme d’un bikini, une paire de plateform-shoes, une coiffure, une robe. Yoko IX (2004), hiératique, frontale, dans une longue robe qui lui colle au corps, un bras plié vers le haut, ressemble d’ailleurs à une image générique de ces statues égyptiennes, tandis que, juchée sur des talons-aiguille, les bras le long du corps et la cassure de la taille marquée par un léger déhanchement, Yoko II (2002) évoque les Big Nudes de Helmut Newton. Réduit à un seul personnage, à une seule couleur et à peu d’accessoires, chaque décision, chaque variation de la pose, chaque détail prend une signification dramatique : Yoko évolue devant nous dans un ralenti absolu. Don Brown semble vouloir les produire à un rythme déterminé, quelques sculptures chaque année, tout au plus, dans un laborieux processus d’enregistrement du temps qui passe.

Pour autant qu’elles représentent la figure humaine, les sculptures de Don Brown sont sans équivalent dans l’histoire de l’art contemporain. Blanches, celles de Georges Segal étaient à échelle humaine et réalisées dans un plâtre rudimentaire très éloigné de la qualité de détails que restituent celles de Don Brown. Minutieuses elles aussi, celles de Duane Hanson étaient aussi à l’échelle naturelle, et renvoyaient de par leur accoutrement une vision bariolée de l’univers Pop qui les avait vu naître, au tournant des années 70. Affranchies du vêtement, et présentant des corps à l’échelle humaine dans une parfaite nudité, les sculptures hyperréalistes de l’Américain John de Andrea, elles aussi apparues dans les 70’s, fascinaient pour leur pouvoir d’imitation des qualités plastiques de la peau. Figées dans la légèreté fragile et immaculée de leur production en résine blanche**, celles de Don Brown n’ont que l’extravagance de leur précision et de leur taille réduite pour affronter le regard. Les codes de la sculpture classique, distribués avec une parcimonie, rappellent combien il s’agit d’un exercice : un socle sur lequel se tient le modèle, dans Yoko X, 2004 : de petits piedestaux sur lesquels, Yoko est parfois surélevée par des talons compensés, redoublant le procédé de mise à distance avec le sol. En contrepoint de ces codes, l’attitude est étonnamment naturelle : une femme contemporaine, les mains sur les hanches, assise, droite, dans une forme de simplicité et d’évidence que ne connaît plus la photographie de mode — et de fait, la dimension photographique de ces sculptures frappe immédiatement.

Extrait de «La Vénus de Brown» par Eric Troncy, dans Numéro, novembre 2006.

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