ART | CRITIQUE

Dominique Blais

PPaul Brannac
@25 Mai 2009

— Mais il n’y a rien à voir !
— Eh bien… non.
— Que dire alors ?
— Se taire… Écouter peut-être ?
— Peut-être.

Sur un mur, des feuilles de papier qui ont recueilli les projections de poudre de fusain projetées par les enceintes. Sur trois autres parois, les photographies d’une paire de néons en caisson lumineux, des baffles, des câbles qui relient les baffles, un tourne-disque qui tourne sans disque et donc muettement, la projection d’un film montrant un batteur en action rendue presque invisible par le trop-plein de lumière. L’image est à peine lisible, le son presque inaudible.

Quel rapport entre l’œil et l’oreille? Une synesthésie, une correspondance des sens. S’il n’y a pas de son, l’œil voit les diodes des amplis s’allumer et s’éteindre, ou les reflets de la platine tourbillonnant vainement. S’il n’y a pas d’image, l’oreille imagine son bruit. Mais dans les deux cas il y a des «presque rien» qui contredisent le rien et suffisent à susciter les sens.

Dire que cela est évident, c’est faux; est évident ce qui est nettement visible. Mais l’on peut dire que dans l’exposition de Dominique Blais, la ténuité du ressenti rend évident. Lorsqu’un artiste met peu, il demande beaucoup, et si l’on s’agace de sa paresse pour justifier la nôtre. Car Dominique Blais exige de nous plus que de tendre l’oreille ou de jeter un œil, il demande d’attendre.

Alors on passe. On dit: «Oh. Oh, c’est expérimental».
Oui, c’est expérimental. Mais en vérité toute rencontre entre un passant et une œuvre d’art (ou une passante) produit une expérience, l’expérience artistique ou esthétique; synesthésique aussi des fois.
Celui qui dit «C’est expérimental» s’excuse en fait d’être surpris et de demeurer dans sa confusion. Il dit «C’est expérimental» parce que finalement, il n’expérimente pas. Il assiste; il regarde; il attend; il s’ennuie; il s’en va. C’est une expérience qui se fait sans lui. Une rencontre qui ne se termine pas plus qu’elle ne commence.

Tout ratage amène des remords. On se dit «Comme c’est dommage», il aurait peut-être fallu si peu pour ne pas passer à côté, pour entendre un peu de son, voir un bout d’image ; pour ressentir. Mais rien n’est définitif, car le visiteur nomadise et l’artiste bivouaque. Alors on peut toujours y revenir, un peu plus dispos, avec un peu plus de temps, sous un autre climat et à une heure nouvelle.
Parce que si l’évidence est ténue et l’expérience exigeante, il doit suffire d’un tout petit peu pour que nos sens aient un sens, le son une musique, et l’image une danse ; peut-être… Car si l’on passe à côté, comme on dit, si même en attendant, même en prêtant à l’artiste et à son œuvre du temps ni l’œil ni l’oreille n’entend, c’est qu’il y a un défaut de disposition; du critique certes, mais non moins que de l’œuvre.

Dominique Blais
— Transmission, 2009. Meuble Rack 19, lecteur CD, amplificateur, cables, CD audio Vue d’exposition, Deceleration, Galerie Edouard Manet, Gennevilliers, 2009
— La table des Cordes, 2009. Neons, cables electriques, transformateurs, plateau, treteaux
— Sans titre (Les Cordes), 2008. Neon, cable electriques, transformateur
— Sans titre (Melancholia), 2008. Tourne-disque, disque, haut -parleurs, cables
— Les Machines Orphelines, 2008. Altuglas moteur cables electriques. 2 modules : 40 x 45 x 15.5 cm chaque

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