LIVRES

Dits n° 5 : violence

Un numéro sur les liens qu’entretient l’art avec la violence : celle, sacrilège des frères Chapman; celle, originelle et auto-destructrice qui fonde l’humanité selon René Girard; celle, historique et terroriste que collectent et détournent Grimonprez ou The Atlas Group; celle, fantasmatique d’Izima Kaoru; celle, primale des actionnistes viennois…

— Rédacteur en chef : Denis Gielen
— Éditeur : Mac’s, Grand Hornu
— Parution : hiver-printemps 2005
— Format : 17 x 24 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 152
— Langue : français
— ISSN : 1378-3386 / ISBN : 2-930387-13-0
— Prix : 18 €

Éditorial
par Denis Gielen

Brûlant sujet d’actualité, surexposé par les médias, la violence nous interpelle au quotidien sous ses formes multiples et changeantes, mais toujours endémiques: violence naturelle des séismes, des ouragans, des inondations, des épidémies; violence politique et idéologique des guerres, des génocides, des terrorismes; violence institutionnalisée des prisons, des asiles psychiatriques, des chambres de la mort qui distille encore en ce début de XXie siècle la peine de mort; et à son comble, violence ordinaire et conventionnelle de notre indifférence face à l’immoral, aux commerces des enfants, aux viols des femmes, aux tortures des prisonniers, etc.

Pourtant il ne faut pas s’y tromper, la violence est vieille comme le monde dont on sait qu’il a toujours tremblé, et fait trembler — de peur — les hommes; et même fondatrice de nos sociétés selon certains anthropologues comme René Girard. Depuis la nuit des temps, l’humanité n’a pas cessé d’être hantée universellement, c’est-à-dire quelle qu’en soit sa culture ou sa religion, par le spectre de cette violence, dévastatrice autant que nourricière, au grand pouvoir de réminiscence et de fascination. Les terribles scènes de chasse représentées sur la paroi des grottes de Lascaux sont les prémisses d’une histoire des arts visuels au cours de laquelle s’exorcisent jusqu’à aujourd’hui les puissances brutales de l’homme et de la nature. Avec les moyens actuels de communication et de représentation, ces images ont évolué bien entendu esthétiquement et moralement, mais procèdent toujours du même alliage de perplexité et de croyance qu’autrefois.

C’est la catharsis des théâtres sacrificiels redécouverts dans les années 1960 par les actionnistes viennois; son avatar contemporain avec l’abject art américain dont Paul McCarthy est la figure emblématique, aussi la génération Saatchi & Saatchi d’artistes anglais comme les Chapman; encore l’esthétisation, parfois sensationnaliste, que connaît la violence à travers la photographie de presse et ses mutations plasticiennes et cosmétiques dans l’œuvre d’Izima Kaoru; enfin heureusement la critique médiologique voire activiste d’artistes pratiquant, comme Johan Grimonprez ou les Libanais du Atlas Group, le détournement d’images en réponse au terrorisme et à sa récupération politique ou commerciale.

(Texte publié avec l’aimable autorisation du Mac’s — Tous droits réservés)