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Dessins

10 Sep - 08 Oct 2011
Vernissage le 10 Sep 2011

Aleksandra Mir a choisi très tôt une ligne, celle d’un marker noir, et elle y fait passer le monde: cartes, unes de tabloïds, mains, plantes, napperons, mandalas...Les dessins de vinyles exposés aujourd’hui ont fait leur apparition en 2010 et sont les descendants organiques des mandalas de 2007 dont ils ont la forme et les proportions.

Aleksandra Mir
Dessins

Depuis 2001, Aleksandra Mir propage des réseaux de traits noirs sur de vastes feuilles de papier — pratique qui n’est ni préparatoire ni secondaire. L’ensemble compose aujourd’hui vingt-six séries différentes. Mir a choisi très tôt une ligne, celle d’un marker noir, et elle y fait passer le monde: cartes, unes de tabloïds, mains, plantes, napperons, mandalas…

Les dessins de vinyles exposés aujourd’hui ont fait leur apparition en 2010 et sont les descendants organiques des mandalas de 2007 dont ils ont la forme et les proportions. Le choix des vinyles n’est pas anodin — leur obsolescence accorde à ces objets une seconde vie comme matériaux de sampling. Ici ils ne diffusent que le silence.

Devenus images du son d’autrefois, leur mutisme est assourdissant dans l’espace d’exposition que Mir leur attribue, comme dans la tension entre leur changement d’échelle — deux mètres de diamètre ou presque – et leur faible définition.

Tous les dessins de Mir ont la même facture manuelle et triviale, affichant ces marques caractéristiques du feutre que sont les légers chevauchements entre les marques de coloriage. Le trait est celui du Sharpie, premier marker permanent et devenu un feutre courant aux Etats-Unis. Il délimite les contours et se plie aux hachures du remplissage qui produit les aplats noirs et les différentes valeurs de gris. Au fur et à mesure qu’ils présentent des marques d’usure, les feutres sont rangés selon l’éventail des stades précis de leur épuisement pour composer les demi-teintes, comme le gris pâle de Demo, ou encore les dégradés des reflets de Billboard. Le tracé d’ensemble établi par Mir est la partition orchestrée pour les participants lors de séances de travail collectives, comparables à des jam sessions: You can dance.

Ce trait noir a des effets — il dématérialise les différents sujets traités tout en leur donnant consistance sur un plan d’égalité. Sur ce plan, la seule échelle qui vaille est précisément celle de la ligne, qui constitue les figures au moyen de ce qui les relie les unes aux autres. Plus petit dénominateur commun, elle est un véhicule du sens dont elle figure par ailleurs certains motifs — productrice d’associations, image d’une capacité humaine à relier des éléments disparates de l’existence, broderie mentale et fil de la pensée.

Mais le dessin chez Mir cartographie des mouvements du corps. Les marques faites sur la surface signalent l’action du corps — dans le tracé manuel des lignes et des hachures comme dans la superficie occupée, les dessins indiquent la disposition gestuelle de la fabrication. Mir aime faire du dessin une activité collective, qu’elle dit «chorégraphier» avec précision pour le groupe qui l’assiste. Le mot n’est pas anodin, Mir a rencontré l’art au travers de la danse et plus précisément à la télévision avec la série Fame.

Chez Aleksandra Mir, l’art est physique et passe par le traitement du sol et de l’espace commun. Il assujettit un cadre matériel — une feuille de papier, un écran, un lieu géographique — non pour y affirmer une puissance, mais pour trouver un moyen d’entrer en contact avec le monde. Le monde terrestre?

Les vinyles, ces plans striés qui tournaient comme un monde en dépliant la présence invisible et envahissante du son, ils ont jusque là tenu des rôles divers dans les arts visuels — de Moholy Nagy à Jack Goldstein, de Michael Morley à Christian Marclay. Ce sont le plus souvent des matériaux récupérés, parfois représentés.

Interfaces, ils sont les matériaux d’un sampling entre aujourd’hui et hier, et instaurent des correspondances entre le son et le visuel — entre espace et surface. On se souvient du dessin de 33 cm de côté de l’artiste allemand K.P. Brehmer, Komposition fur Tim Wilson (1986), où des tracés de pistes sonores forment les sillons d’un 33 tours, hommage à un jeune prodige qui déchiffrait visuellement le son des disques qu’on lui présentait.

Sur les dessins de Mir, nous ne déchiffrons que les titres avec leur tonalité italienne (compilations à danser) et populaire (blockbusters du classique ou du rock) issue des années soixante. Quelques pochettes mises à part — où le R de Ravel se répète comme les motifs de son Boléro ou comme un disque rayé, et où Lou Reed est le motif d’une variation — les cercles qui nous font face évoquent des pupilles démesurées. Elles nous fixent définitivement, leur densité les fait flotter ailleurs, satellites d’un système ouvert car décidé à s’étendre sans s’ordonner. Celui d’un monde Mir.

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