ART | CRITIQUE

Dessins

PNicolas Villodre
@17 Jan 2010

Valerio Adami, on connaît, ou on croyait connaître... Car de façon exceptionnelle il fait le deuil de la couleur. Et de son habituel trait noir et épais semblable à une baguette de vitrail. Il livre pour la première fois les coulisses de son art si particulier.

Au commencement était le trait, puis advint la peinture. À moins que ce ne soit l’inverse. Ou la même chose — certains peintres, comme Kandinsky, Pollock, Haring ou Arbo, dessinent en peignant.
Une fois sélectionnée parmi une infinité de possibles, quantité d’hésitations et de tremblements répétés, ressassés à l’envi, la ligne de Valerio Adami est appuyée, renforcée, caillebottée comme disaient les Impressionnistes. La forme est, littéralement, cernée. De très près. C’est cela, et rien d’autre, que montre l’exposition de l’impasse Beaubourg. Qu’il y a une vie avant l’épure — ou la peinture. Et que le dessin est un peu la trace ADN du tableau.

Le visiteur y observera dans de parfaites conditions d’éclairage cette infinité de détours et de contours virtuels, potentiellement équivalents, théoriquement égaux en droit, à travers une quarantaine de cartons relativement récents.

Malgré leur qualité technique et leur degré d’aboutissement, ces modestes formats (des 8F, en gros) ne constituent que les travaux d’approche, les croquis préparatoires aux «vraies» œuvres. Des esquisses qui, en temps ordinaire, sont considérées comme ignobles ou indignes d’intérêt .
L’artiste dessine ou couche ses idées sur le papier avant de les élever sous la forme d’un tableau qui finira par être accroché «à la verticale». Outre qu’elles témoignent de la beauté du geste, ces pièces à conviction montrent ces étapes intermédiaires.

Malgré les apparences, avant d’arriver au stade de la décision à base d’aplats magnelliens d’acrylique aux teintes vives, voire grinçantes, qui recouvrent tout sur leur passage (et, d’une certaine manière, pour reprendre l’expression du peintre, «critiquent» le dessin préalable) parfaitement combinés, d’ombres portées et de brisures ou d’effets de plans shiftés un peu comme par glissements de terrain, une peinture-écriture retenue, aux accents suraigus, Valerio Adami s’est trompé, a travaillé par approximations successives; il a hésité, gommé l’anecdotique, écarté l’imperfection (toute «trace mondaine»), un temps tâtonné et, toujours, nerveusement griffonné ses repères au crayon.

Et il ne s’agit sans doute pas seulement pour lui de trouver les bonnes proportions anatomiques (les corps de Valerio Adami n’ont rien d’académique), de respecter les lois de la symétrie (comme les traces sanguines dans les toiles inachevées d’un Rubens, par exemple), à mettre en perspective ou à planter un élément du décor, à représenter un objet à sa juste échelle… Mais d’enregistrer le «parcours de [la] pensée».

On pourra en outre s’interroger sur la thématique ou la problématique de Valerio Adami (mythologie de la vie quotidienne traitée à l’identique de l’antique), et même du résultat final.
Est-ce vraiment de l’art ou de la déco ? Du Soutine ou du Bacon ? Du Matisse ou du Cocteau ? Du Dubuffet ou du Buffet ? Du Dali ou du Trémois ? Pour une fois, ne nous soucions pas de problèmes esthétiques, puisque ce n’est pas le produit fini qui compte, mais bel et bien le processus. En français, qui dit dessin dit dessein.

Liste des Å“uvres (non exhaustive)
Valerio Adami

— Valerio Adami, Ifigenia, 2007. Crayon sur papier, 48 x 36 cm.
— Valerio Adami, Somebody loves me, 2009. Crayon sur papier, 48 x 36 cm
— Valerio Adami, Sulle punte, 2010. Crayon sur papier.
— Valerio Adami, Tipperary (it’s a long way…), 2010. Crayon sur papier.
— Valerio Adami, Pensieri per un satiro, 2010. Crayon sur papier.

AUTRES EVENEMENTS ART