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Design contre design. Deux siècles de création

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Dans une muséographie ludique et claire, le Grand Palais présente une exposition fleuve où sont présentés avec intelligence deux siècles d’objets d’art, des «arts décoratifs» au «design». Si l’on peut comprendre que le propos comparatiste, quelque peu simpliste, fasse grincer les dents des spécialistes, on ne boudera pas le plaisir de (re)découvrir certains chef-d’œuvres.

Pour l’universitaire Jean-Louis Gaillemain, commissaire de l’exposition, l’enjeu (qui était déjà celui des Arts & Crafts au XIXe siècle, et dont on connaît l’échec) est de faire renouer le grand public avec l’«objet d’art», synonyme pour beaucoup soit de vieillerie, soit d’objet vaguement conceptuel et destiné à une élite argentée. Le parti pris a donc été d’adopter une approche ludique de l’objet, en faisant dialoguer les époques et les styles.

D’abord par la forme : courbe, droite, biomorphisme, végétal, animal, etc., constituent un répertoire de formes infini. Au fil des décennies, et suivant en cela le va-et-vient perpétuel de l’histoire des formes entre exubérance et retour à l’ordre, mobilier et objets d’art vont alterner rigueur de la ligne et délire de la courbe.

D’une manière efficace mais assez artificielle, qui excédera certainement quelques spécialistes rigoureux, sont ainsi juxtaposés, par exemple, un élément de bibliothèque de Josef Hoffmann, caractéristique des arts décoratifs viennois du début du XXe siècle, et une œuvre toute aussi orthogonale de Sol Lewitt, ou encore les motifs en courbes et contre-courbes de la ligne Art nouveau d’un Guimard ou d’un Horta, en regard d’une suspension contemporaine de Tord Boontje, Blossom for Swarovski Crystal Palace ou du radiateur à rinceaux (2003) de Joris Laarman.

Éléments majeurs de l’histoire des formes, les arts décoratifs ont toujours été dépendants d’un contexte de création. L’objet doit s’adapter au corps humain (ainsi des bergères et autres marquises de style Louis XV jusqu’au objets anthropomorphes), ou au matériau.

Plusieurs œuvres témoignent de la pratique contemporaine de la récupération des objets du rebus, comme dans l’extraordinaire luminaire Tide Chandelier (1996) de Stuart Haygarth, constitué d’objets suspendus, glanés sur les plages du Kent, ou la commode Chest Drawers (1991) de Remy Tejo, assemblage fébrile de vieux tiroirs. Plus encore, le design est tributaire depuis son origine de l’architecture. Dans Phantasy Landscape (1970), impressionnant environnement utérin de Verner Panton, décor et architecture, intérieur et extérieur ne font plus qu’un. Liant plus encore architecture et mobilier, les Pools and poofs! (Flaques et pouf!) (2004) de Robert Stadler tendent à fondre littéralement dans leur environnement.

Ponctuant le parcours, plusieurs œuvres à part surprennent par leur beauté plastique. Ainsi le Banc Iceberg (2003) de Zaha Hadid, forme tout en angles aigus et obtus dont la simplicité fait la force esthétique, comme pour tout objet directement inspiré de la nature ; ou la Table Cinderella (2005) de Jeroen Verhoeven, sorte d’immense feuille de bouleau pliée.

A noter l’important catalogue publié aux éditions de la RMN qui accompagne l’exposition, avec des essais adoptant ce même parti pris de transversalité, comme par exemple «Design et art contemporain», «Entre la mode et le design : le corps», ou encore «Design et bande dessinée».

Jeroen Verhoeven
— Table Cinderella, 2005. Premier prototype, fait à la main, contre-plaqué de bouleau. 81 x 132 x 100 cm.

Robert Stadler
— Pools & Pouf!, 2004. Ensemble de 5 objets « pour s’asseoir », cuir capitonné, PVC, contreplaqué. Élément 1 : 98 x 245 x 90 cm. Élément 2 : 72x108x10 cm. Élément 3 et 4 : 37 x 48 x 10 cm. Élément 5 : 40 x 33 x 33 cm.

Robert Stadler
— Zaha Hadid, Banc Iceberg, 2003. Bois laminé, micro-feuilles d’aluminium, laqué à feu. 208 x 268 x 200 cm.

Remy Tejo
— Commode, Chest of Drawers, 1991. Tiroirs usagés, bois d’érable, sangle.

Joris Laarman
— Radiateur, 2003. Béton, fibre de verre, éléments de plomberie. 65 x 250 x 100 cm.

Stuart Haygarth
— Luminaire, Tide Chandelier, 1996. Objets ramassés sur les plages du Kent, fil de nylon. Haut 250 cm x Diam 150 cm.

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