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Der Herrische Saügling

PElisa Fedeli
@10 Juin 2011

Dans le sillage de Villeglé et de Hains, Nikolas Gambaroff interroge la peinture au moyen du collage. Ses œuvres consistent en la fabrication d'une image au moyen d'un geste répétitif, qui tient autant du lacéré que de l'écriture. Froid mais habité de présences émotionnelles, son travail concilie les contraires et joue sur un décalage déroutant.

Dans le sillage de Jacques Villeglé et de Raymond Hains, Nikolas Gambaroff pratique le collage et le lacéré. Comme ces artistes avant lui, il cherche à éprouver la peinture par d’autres moyens que ceux qui lui sont traditionnellement dévolus, le pinceau et les pigments. Ce qu’il appelle ses «peintures» sont en réalité des collages qui questionnent la peinture.

Mais son approche se distingue de celle des affichistes français. Au lieu de prélever son matériau directement dans la rue, Nikolas Gambaroff travaille sur toile et colle sur celle-ci des pages de journaux (la Gazzetta dello Sport, le New York Times) en couches superposées. Aux images des journaux, il préfère leurs écritures, ce qui confère à son travail une esthétique peu colorée, à priori peu séduisante.

En outre, son lacéré n’est pas spontané, encore moins «anonyme» comme l’était celui de Villeglé. Au contraire, méthodique et sériel, le travail de Nikolas Gambaroff consiste en l’affirmation d’un geste, aussi simple que répétitif. Ses toiles sont ainsi lacérées avec systématisme, ordre et méthode, ce qui les rapproche d’une forme d’art conceptuel et en particulier de ce que le groupe BMPT a inventé au début des années 1960: l’interrogation de la peinture par la répétition d’un «outil visuel».

Pour autant, celui qu’utilise Nikolas Gambaroff n’est ni la bande verticale de Daniel Buren, ni le cercle d’Olivier Mosset, ni l’empreinte de pinceau de Niele Toroni. En forme de zigzag, son «outil visuel» ressemble à une écriture. Il a le pouvoir de localiser ce qui fait déjà image dans le processus d’écriture. En somme, de faire image avec de l’écriture. Ce travail fait l’objet d’une installation et cohabite avec un ensemble de chaises, dans une configuration cryptée. Un tapis peint, sur lequel sont disposés dans l’espace cinq collages, semble matérialiser une scène et des acteurs. En face, disposées en arc de cercle, des chaises suggèrent les rangs du public. Cette situation témoigne de l’intérêt de Nicolas Gambaroff pour la psychothérapie de groupe.

En effet, à la lecture des quelques textes que l’artiste a marouflés sur les chaises, le visiteur de l’exposition est plongé avec violence dans le contexte de séances d’atelier thérapeutique: il apprend de fait les névroses familiales de patients imaginaires et la manière dont ils tentent de s’en délivrer par des pratiques proches de la mise en scène et du jeu de rôles.

Dans l’Å“uvre, le contenu textuel a pour fonction de contrebalancer l’impression de vide laissée par l’installation. Il vient l’habiter d’une présence intime. A l’apparente froideur des signes, il substitue une charge émotionnelle directe, tellement impudique qu’elle en devient presque dérangeante.

En faisant coexister dans une même œuvre images et textes, Nikolas Gambaroff interroge leur complémentarité, mais surtout il réussit à réunir des points de vue antagonistes — le conceptualisme et le pathos — dans un décalage très déroutant.

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