ART | EXPO

Déplier

09 Sep - 16 Oct 2011
Vernissage le 09 Sep 2011

Benoit Laffiché expose avec «Déplier», une poétique du déplacement, de la dérive, de l’ambigu et du fragile. L’exposition étire à l’extrême le temps et l’espace dans une simplicité déconcertante, afin de mieux faire émerger le pouvoir des images et à renouer avec la densité et la complexité du monde.

Benoit Laffiché
Déplier

Les oeuvres vidéo de Benoît Laffiché troublent inlassablement les enjeux de la maîtrise des territoires et des mouvements de populations à l’ère du post-global.

Pour son exposition à La Criée, l’artiste a choisi de Déplier ces enjeux, non pas par excès d’information ou de militantisme, mais en les rabattant au plus sensible des étendues de terre foulées par le marathonien Abebe Bikila (Jato, 2010), des vagues océaniques pratiquées en Afrique par les surfeurs du film de1966 The Endless Summer (The Endless Summer, 2011), au plus insondable de la nuit et de l’espace sonore généré par les pêcheurs sénégalais (Pirogues, 2011). Nous serions donc en présence de trois installations vidéo exposées à La Criée. Pourtant, la formule ne suffit pas car Déplier se départit d’une juxtaposition d’images qui viendraient «occuper» l’espace d’exposition.
«Déplier» explore davantage le potentiel de l’image vidéo à générer en elle-même des interstices d’opacité, des trouées d’aveuglement, des éblouissements mentaux.

Dans l’espace d’exposition, «Déplier» est aussi une tentative de faire tenir, avec toute leur fragilité et leur simplicité, la puissance des images à produire des espaces autres que Michel Foucault nomme des hétérotopies, c’est-à-dire des espaces échappant aux délimitations identitaires, territoriales, administratives, institutionnelles, pour élaborer des trajectoires insensées.

L’exposition de Benoît Laffiché étire à l’extrême le temps et l’espace dans une simplicité déconcertante, afin de mieux faire émerger le pouvoir des images à renouer avec la densité et la complexité du monde.

Avec la vidéo Jato, c’est l’étendue du sol éthiopien, de ses plaines et de ses plateaux, qui prévaut par la capacité du marathonien Abebe Bikila à excéder les contraintes du corps et de la topographie. Exposée dans une petite salle, l’image vidéo vient s’incruster, discrètement, dans un pan de mur. L’économie du dispositif contraste avec l’étendue infinie, autant géographique qu’imaginaire, parcourue par le marathonien Abebe Bikila.

Dans la grande salle d’exposition, une paroi longue de 4,5 mètres s’ancre seule dans le sol pour projeter Pirogues, oeuvre tout autant sonore que visuelle. La vidéo s’accroche au bloc pour y creuser des plans sombres traversés par des rais de lumières. La perte de repères est accentuée par un espace sonore omniprésent de voix humaines, de bruits de la mer, d’entrechoquements dans les pirogues liés aux manoeuvres des pêcheurs sénégalais.

The Endless Summer, extrait du film du même titre réalisé en 1966 sur des surfeurs à la recherche des meilleures vagues en Afrique, est exemplaire de ce rapport des corps à l’espace océanique. Les images de surf sont projetées sur un large panneau rectangulaire en bois qui, depuis le sol, vient sobrement s’adosser aux murs de La Criée. Basculée d’une horizontalité panoramique conventionnelle à une verticalité inhabituelle, l’image creuse encore davantage l’espace de la vague.

Déplier ces trois oeuvres vidéo dans l’espace de La Criée revient alors à pratiquer cette pensée archipélique convoquée par le poète Edouard Glissant:«Une autre forme de pensée plus intuitive, plus fragile, menacée mais accordée au chaos du monde et à ses imprévus, ses développements, arc boutée peut être aux conquêtes des sciences humaines et sociales mais dérivée dans une vision poétique et de l’imaginaire du monde».

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