LIVRES

Déjouer l’image

Ensemble d’essais analysant la création numérique et vidéographique, à partir d’un panel limité d’artistes (Campus, Viola, Kuntzel, Shaw, Averty). Des textes portés par la curiosité, à la fois réflexifs et critiques, pour affiner ces « nouveaux champs de l’art ».

— Éditeur : Jacqueline Chambon, Nîmes
— Collection : Critiques d’art
— Année : 2002
— Format : 20,50 x 14 cm (accompagné d’CD-rom)
— Illustrations : aucune
— Pages : 221
— Langue : français
— ISBN : 2-87711-233-à
— Prix : 21,50 €

Introduction
par Anne-Marie Duguet (extraits, pp. 5, 6 et 7)

Ces essais sont prélevés dans un ensemble de réflexions sur la vidéo et les nouveaux médias qui m’occupent depuis la fin des années soixante-dix. Textes de critique, ils témoignent avant tout de quelques passions et étonnements, de curiosités et d’émotions qui ont nourri — malgré les rejets, les suspicions, ou l’attentisme institutionnel — cette hypothèse somme toute assez élémentaire : des œuvres susceptibles d’alerter la sensibilité et l’entendement avec une audace nouvelle pouvaient résulter de l’utilisation des médias électroniques et numériques. Il a fallu plusieurs décennies pour que ces pratiques soient légitimées et même, aujourd’hui, banalisées, si l’on en juge par la multiplication des installations impliquant la vidéo dans les expositions actuelles, et la popularité de grandes rétrospectives comme celles consacrées récemment à Bill Viola, Nam June Paik ou Gary Hill. Mais parlera-t-on encore de vidéo ? Du côté de sa production, l’image est numérique depuis longtemps, du côté de sa diffusion, le dispositif cinématographique de la projection tend à l’emporter, quant à son inscription, elle est résolument digitale facilitant ainsi à la fois sa conservation et sa présentation dans une installation. Désormais plus de rémanence — ces superbes traces qu’un trop de lumière arrachait à l’écran —, de la saisie et de la maîtrise, de la métamorphose toujours, mais au pixel près. Un autre régime de l’image et de la vision s’instaure, d’autres rapports aux œuvres se façonnent aujourd’hui à travers la coexistence et l’hybridation des techniques.

Ces textes s’organisent autour de deux pôles, celui de la vidéo et celui du numérique. Un premier regroupement s’est imposé, au risque de la reprise, entre des œuvres ayant des affinités fortes, celles de Peter Campus, Bill Viola et Thierry Kuntzel. Autant de sensibilités qui se répondent, d’attitudes proches et de préoccupations partagées autour du temps, de la mémoire, de la constitution du visible. Ouvrir le regard à d’autres scènes, à des impossibilités, à l’innommable. Saisir, sur le mode de l’apparition et de la disparition, les drames de l’instabilité et de la fragilité de l’image, épouser le flux de ces transitions pour s’approcher des processus de la pensée, de la mort autant que de la genèse. Ces œuvres électroniques ne sont que variations et durées, elles proposent des univers incertains, non joués par avance, à négocier sans cesse. Le second regroupement de textes relève d’un autre registre, plus hétéroclite, davantage porté par la curiosité des récents développements technologiques et les défis qu’ils relancent dans le champ de l’art. L’examen des œuvres de Jeffrey Shaw, depuis les années soixante, retrace divers processus de virtualisation de l’image avant même l’informatique, il aborde le rôle de l’architecture et du texte dans la construction du virtuel et les enjeux qui sont liés à l’interactivité et à l’interface. Quelques réflexions spécifiques sur la synthèse du corps, sur la perspective retravaillée par le numérique, sur les modes de perception convoqués par les environnements virtuels, ou sur la question de l’archive multimédia témoignent de la diversité des orientations de la recherche et des interrogations ouvertes dans ce chantier des arts travaillés par les technologies. Entre les deux, la présence, ici un peu succincte, d’un grand créateur de l’image électronique, Jean-Christophe Averty. Ses émissions pour la télévision, sont peu considérces par le monde de l’art dont ce réalisateur ne se réclame d’ailleurs pas. Mais toutes ses recherches y ramènent nécessairement: l’audace de ses mises en page électroniques, son radicalisme nco-dadaï;ste dans le sabotage de l’esprit de sérieux, et surtout sa conception de l’image étonnamment anticipatrice. En 1975 il déclare que « l’image électronique est une image de synthèse ». Certes l’usage de ce terme est surprenant à l’époque, et s’il ne s’agit pas encore d’informatique, il désigne avec force l’image comme artifice, pure construction, libérée de la contrainte de se rélérer à une réalité existante.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Jacqueline Chambon)

L’auteur
Anne-Marie Duguet est professeur à l’UFR d’arts plastiques et sciencdes de l’art de l’université de Paris I (et directrice du Centre de rechreches d’esthétiques du cinéma et des arts audiovisuels). Membre de l’Aica, elle écrit depuis le début des années 1980 sur la création electronique et informatique. Auteur de Vidéo, la mémoire au poing (Hachette, 1981), Jean-Christophe Averty (Dis-voir, 1991). Directrice de la colection DVDROMs et projets internet « anarchive », elle est co-auteur du premier titre Muntadas Media Architecture Installations (Éd. Centre Pompidou, 1999).