ART | EXPO

Défense Yokohama

27 Sep - 28 Fév 2015
Vernissage le 26 Sep 2014

Marie Reinert s’infiltre dans les entrailles du monde du travail et retrace à travers ses films, objets et performances l’expérience d’un corps en immersion dans des lieux clos, souvent inaccessibles. Elle prend ici pour titre de son exposition, «Défense Yokohama», un objet énigmatique dont la carapace noire et massive évoque une architecture futuriste.

Marie Reinert
Défense Yokohama

Le collectif Mécènes du Sud s’associe au Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte-d’Azur pour coproduire la première exposition personnelle d’envergure de Marie Reinert. Cet événement est l’occasion de rendre compte de la dimension immersive de sa démarche artistique au cœur du monde économique.

Incontournable dans une ville portuaire, une défense Yokohama est un énorme pneumatique qui atténue les chocs entre les navires et les quais. En prenant pour titre le nom de cet amortisseur, l’exposition se place d’emblée sous le signe d’un objet énigmatique dont la carapace noire et massive évoque une architecture futuriste.
Familière des environnements portuaires et industriels qui ont inspiré les derniers films de Marie Reinert, cette bouée se fond dans les interstices des voies maritimes à l’image même de sa pratique artistique.

Depuis la fin des années 1990, l’artiste s’infiltre dans les entrailles du monde du travail et retrace à travers ses films, objets et performances l’expérience d’un corps en immersion dans des lieux clos, souvent inaccessibles au grand public. Attentive aux mouvements de circulation des hommes, des marchandises et des valeurs boursières, Marie Reinert a déployé son travail autour de la notion de flux, qu’il soit matériel ou immatériel.

L’artiste développe une recherche sur la manifestation corporelle des déplacements humains dans l’espace public qu’elle rend visible à travers des gestes furtifs, néanmoins tangibles. Ancienne sportive au corps discipliné par les entraînements d’athlétisme, elle observe, piste, voire même dévie la trajectoire des travailleurs, piétons et consommateurs pour faire apparaître les traces de leurs actions conditionnées.
Son passage aux ateliers des Laboratoires d’Aubervilliers renforce ses affinités avec la danse contemporaine et la performance, auxquelles s’ajoute son inclination pour la sociologie, l’ergonomie et l’urbanisme.

Après les chantiers de voirie, les gares, les rayonnages de supermarché et les carrefours urbains, Marie Reinert ouvre les portes de territoires plus complexes et difficiles d’accès pour remonter à la source des phénomènes qu’elle retranscrit. Les infiltrations spontanées et clandestines des premières années se transforment en de longues périodes de résidences qu’elle crée à sa mesure, souvent en marge des réseaux artistiques existants. Des espaces collectifs de négociation à l’organisation intime d’un bureau, ses immersions touchent en plein cœur les rouages vertigineux du monde du travail et de son économie sous-jacente. Ses films et performances sont le fruit d’une lente observation de lieux fonctionnels, révélant aussi bien les gestes de manutention d’un archiviste que les salles de réunion privées d’une entreprise.

Divisée en trois parties, l’exposition pose un regard panoramique sur un ensemble d’œuvres de la fin des années 1990 jusqu’aux productions les plus récentes. Dès le début du parcours, une grande installation de trois films plonge le visiteur au cœur des dernières explorations de l’artiste: l’univers cloisonné d’une banque d’Amsterdam, le paysage industriel du port pétrolier de Fos-sur-Mer et la traversée à bord d’un roulier entre Marseille et Alger. Marie Reinert invente une façon de filmer où le lent travelling d’un western peut rencontrer la caméra GoPro des sports extrêmes. Dans cette trilogie inédite, ce n’est plus la trace du flux qui est restituée mais l’expérience physique du cheminement de l’artiste vers son point d’origine, là où corps et machines battent au rythme de la production.

Confronter le regard introspectif de l’artiste aux outils de communication des industries, tel est l’enjeu du Plateau multimédia consacré à une programmation continue de films d’entreprises. En hommage aux grands mythes industriels, cette sélection de films, pour beaucoup tournés dans le bassin méditerranéen entre les années 1950 et 1980, révèle la fascinante ambiguïté d’un langage tiraillé entre la contrainte didactique de la commande et la libre célébration des outils de production.

Le dernier plateau du bâtiment a été conçu par l’artiste comme un espace d’expérimentation où la monstration de son propre travail dans le Frac est renégociée par de nouveaux protocoles qui remettent en question la finalité de l’œuvre exposée.
Pendant les mois qui ont précédé le vernissage, l’artiste a rencontré plusieurs entreprises autour d’une question commune: quelle est la valeur de ce que nous produisons? Ce long processus d’échanges a abouti à une collaboration avec un cabinet d’avocats autour de l’écriture d’une plaidoirie, inspirée par la volonté de l’artiste de faire exister l’art en dehors de son territoire d’usage.

La nécessité du «retour» de l’œuvre d’art vers son contexte d’élaboration s’accompagne d’un besoin croissant de repenser la totalité de sa pratique comme un outil conceptuel sans cesse activable et non comme un objet achevé.

Commissariat

Pascal Neveux et Florence Ostende

Vernissage
Vendredi 26 septembre 2014 à 18h

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