ART | CRITIQUE

De part en bout / De bout en part

PYaël Hirsch
@12 Jan 2008

Aux murs, une série de toiles acryliques, au sol un rail qui scinde la galerie en deux dans le sens de la longueur. C’est selon une logique du paradoxe que les jeux formels d’Olivier Soulérin sont des poèmes sans paroles, un art pop non communicatif, et un jeu parfois cruel sur les impossibilités du monde physique.

Pour la deuxième fois, l’Atelier Cardenas Bellanger accueille en ses murs une série d’œuvres de l’artiste Olivier Soulérin. L’opus majeur de cette exposition est un rail qui scinde la galerie en deux dans le sens de la longueur. Spécialement conçus et peints par l’artiste pour l’atelier, ces rails de bois forment une sorte de pont à peine suspendu au dessus du sol. Ils gênent le passage et cependant relient la partie «noble» de la galerie à celle où travaillent Carlos Cardenas et Amélie Bellanger.

Duels et faux semblants
Conceptuellement, ces rails permettent aussi de relier entre eux deux types d’œuvres apparemment différents que montre Olivier Soulérin: à première vue, il y aurait d’un côté les «tableaux» où des lignes d’acrylique viennent raturer de façon dramatique des étendues plus ou moins grandes de tissus à carreaux; de l’autre, les sculptures» aux couleurs acidulées (une fresque «pop» constituée de sortes de calissons jaunes et roses, deux bobines de fil solidifié enduites de peinture vive, vert anis et pistache, et les rails eux-mêmes dont les couleurs vert pomme, bleu ciel, et jaune, créent de beaux jeux d’optique).
De même que les rails d’Olivier Soulérin ont été créés à partir de la structure de la galerie, de même, ses œuvres tant sculpturales que picturales s’inscrivent dans une architecture déjà existante. L’art vient réécrire l’espace dans un geste qui tient plus du palimpseste que du jeu d’optique.

Un art Pop non communicatif
Chez Olivier Soulérin, «ce que vous voyez (n’) est (pas toujours) ce que vous avez». Les couleurs acidulées sont en fait bien mates, les jeux d’optiques bien dérangeants, et les matériaux minimalistes des toiles empruntent aussi aux objets et «commodités» chers aux artistes pops et nouveaux réalistes.
Si les rails délimitent et relient le privé et le public, s’ils empêchent de passer et font en même temps un pont, c’est selon cette logique du paradoxe que les jeux formels d’Olivier Soulérin sont des poèmes sans paroles, un art pop non communicatif, et un jeu parfois cruel sur les impossibilités du monde physique.

Est-ce à dire que les œuvres déraillées d’Olivier Soulérin sont des trains qui ne mènent nulle part? Non, si l’on en croit les textes (non exposés) de l’artiste. D’après lui, en effet, l’espace sans les lignes serait ectoplasmique: un lieu vide qui épuiserait la richesse du temps.
La seule façon de libérer le temps est de marquer l’espace de traits, et de le mesurer, méthodiquement: «Le trait se fait lisière, réalise un dehors, un dedans… L’espace est mesuré, résumé. A la marge s’esquisse une légende, une échelle apposée».
Alors peut-être que les œuvres géométriques exposées à l’Atelier Cardenas Bellanger se mettent à parler. Peut-être que leurs lignes dégagent finalement l’espace nécessaire à la fondation d’un temps mythique.

Olivier Soulérin
— Compelot, 2007. Ficelle, sisal, enduit, peinture acrylique.
— Sans Titre, 2007. Acrylique sur tissu. 20 x 20 cm.
— Sans Titre 2007. Acrylique sur tissu. 80 x 120 cm.
— Sans Titre, 2006. Acrylique sur tissu. 20 x 20 cm.

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