ART | CRITIQUE

Dé-finir

PMarie-Claire Groeninck
@07 Avr 2008

Claire-Jeanne Jézéquel convoque la lumière à des degrés divers : marron miroitant capable de reflet, gris brillant qui ne renvoie que l’aveuglement de la lumière, aggloméré mat qui absorbe le rayonnement comme un bruit sourd.

Comme les pages arrachées d’un carnet, les sculptures minimales de Claire-Jeanne Jézéquel déchirent des surfaces lisses et brillantes. «Mes sculptures, dit-elle, s’inscrivent dans la fluctuation, elles sont en devenir».

Les planches d’aggloméré, matière moderne et populaire, sont peintes, poncées, impeccablement laquées en surface, mais cassées. La tranche déchiquetée,  elles dévoilent leur composition brute. La matière compressée de l’intérieur contraste avec les extérieurs lustrés.
Travaillant l’ambiguïté à la limite de la peinture et de la sculpture, Claire-Jeanne Jézéquel opère une «conjonction du visible et du tangible». Tout à coup, à fleur de surface, la planéité se trouve parfois accidentée par un dépôt de matière inexpliquée mais éminemment palpable. Sur une surface uniformément tendue, la matière semble ponctuellement amollie, des amas de plâtre sont ensevelis sous la couche de laque.

Posées à quelques centimètres du sol ou du mur, les sculptures dédoublent les parois de la pièce. Au sol, la composition spatiale de quelques fragments oppose les bords nets d’un rectangle à d’autres contours en ligne brisée. Au mur, elles prennent des allures de roches acérées.

Dans ces formes tantôt pierreuses, tantôt glissantes, on s’imagine des paysages. Un angle horizontal suggère la ligne d’horizon. Des reflets blancs sur blanc imitent un glacier.
Dans Avec ou sans retenue, de l’aluminium en fusion s’est répandu d’abord le long de rigoles rectilignes avant d’en déborder en flaques. En se figeant, les plaques de métal dessinent au sol des échelons irréguliers ou des formes naïves de nuages.

Ailleurs, un réseau de lignes aluminium sur panneaux en aggloméré poncé évoque le tracé d’un plan à l’urbanité encore balbutiante. Les dessins accrochés en regard, qui semblent être des schémas préparatoires, sont de grossières esquisses, au crayon et au «blanco», hésitantes, sur un strict papier millimétré de bleu. Ils utilisent une opposition sous-jacente de l’exposition toute entière, où l’exactitude, la minutie et le polissage côtoient le hasard, l’ébauche, la déchirure.

Publications
— Catherie Millet et A. Pierre, Claire-Jeanne Jézéquel, La Chaufferie, Strasbourg, Galerie Xippas, Paris, 2005.
— Céramique contemporaine, Biennale internationale, Vallauris 2006, Somogy éditions d’art, Paris, p. 70-71, 2006.
— Biennale de céramique de Châteauroux, catalogue d’exposition, Les Musées de Châteauroux, 2007.

Claire-Jeanne Jézéquel
— De-finir (en beauté), 2008. Aggloméré, aluminium et plâtre, 3 éléments. 18 x 333 x 186 cm
— Avec et sans retenu,  2006. Fonte d’aluminium, 4 éléments. Dimensions variables, 8 x 436 x 312 cm
— Chutes (ni sexy ni rock’n’roll), 2007. Aggloméré et feuille d’aluminium, 4 éléments. Ensemble : 210 x 60 x 8 cm
— Sans titre, 2008. Graphique et blanco sur papier millimétré. 28 x 19,5 cm
— Savoir s étendre (or), 2007. Aggloméré peint et plâtre synthétique peint, 5 éléments. Dimensions variables, 110 x 450 x 280 cm
— Surfaces Communes (Blanc), 2007. Aggloméré laque blanc et plâtre synthétique, 3 éléments. Ensemble : 13 x 390 x 353 cm
— Surfaces Communes (relevees), 2007. Aggloméré et feuille aluminium, 2 éléments. 135 x 264 x 126 cm

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