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Daughters

Telles des allégories de la forêt et de la campagne, les deux filles de la photographe Margaret de Lange jouent nues, naïades des ruisseaux.
Parées de coiffes d’indien, elles semblent grandir dans un environnement sauvage, primitif, où cruauté et candeur se répondent: jeux innocents et corps en devenir; blondeur et douceur des traits contre forces de la Nature. Cette dernière constitue le terrain de jeux privilégié et le décor principal de cette série de photographies.

Les jeux résument l’entente mais aussi la dualité des deux sœurs. L’une des scènes montrée par la photographe suggère une adaptation du couple d’enfants mythiques Romulus et Remus. Tandis que l’une, au premier plan, fixe le visiteur, parée d’une peau de loup, l’air bravache, sa petite sœur à l’arrière plan, alanguie, floue, étendue sur une liane semble s’abandonner, confiante dans sa protectrice.

Les jeux à cet âge peuvent aussi être violents, des tableaux représentant la mort se glissent d’ailleurs au milieu de scènes innocentes. Dans ce qui semble être une maison abandonnée, un oiseau mort pend à une ficelle. Une petite, à l’arrière plan, la tête cachée par le chambranle de la porte, lui fait face, semblant se jouer du sort de l’animal. Ailleurs, c’est un chiot mort que l’enfant, madone douloureuse, tient serré contre elle.

Lorsque la civilisation apparaît, c’est sous la forme d’un bric-à-brac fournissant aux fillettes des jouets insolites. Une d’elles se tient droite, fière, le visage déformé à travers la vitre de la fenêtre qu’elle tient à bout de bras.

Les corps grandissants cachent leur visage sous un parapluie, cheminant déjà vers l’âge adulte. Les portraits en gros plan des visages sont aussi frappants, désarmants de vérité et d’intimité. L’inquiétude dans le regard de cette petite fille aux yeux de chat, la tête recouverte d’une cagoule de fourrure, émeut le spectateur.

Margaret de Lange met l’accent tantôt sur la vision du corps, tantôt sur celle du visage, comme si elle voyait là deux moyens différents de suggérer l’expressivité de ses filles. Il ressort une grande tendresse et une intimité distanciée, teintée de dramaturgie, dans les portraits que cette mère photographe a offerts à ses filles.

Margaret de Lange
Daughters, 1994-2006, photographies argentiques tirées sur papier baryté contrecollé sur aluminium et encadrées

Publications

Margaret de Lange, 118 Moments, 2003.
Margaret de Lange, 103 Moments, 2002.