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Date limite de conservation

La conservation de l’art contemporain est une question majeure pour les musées, les galeries et les collectionneurs, donc pour les artistes aussi. C’est une problématique et un problème tellement inhérents au musée que son directeur s’appelle "conservateur en chef".

Information

Stéphanie Airaud, Stéphanie Elarbi, Agnès Tricoire, Gérard Wajeman, Laurent Prexl
Date limite de conservation

Comment rendre pérenne une œuvre réalisée pour un système d’exploitation devenu obsolète? Comment assurer la maintenance d’œuvres multimédia? Comment faire durer un matériau fragile? Et comment s’assurer que la peinture tienne – tous les ex-étudiants en art se souviennent de cette phrase accompagnée d’un doigt vandale qui s’apprête à gratter leur peinture qui semble un peu trop chargée? Enfin, pourquoi vouloir faire durer l’art ?

Par nature, l’art s’expose et la reconnaissance d’un artiste passe – outre la publication dans une grande revue d’art dirait Catherine Millet – par l’achat de ses œuvres dans les collections d’un musée. Cette collection est exposée par fragments, de façon tournante. L’acquisition doit pouvoir attendre sagement son tour dans la réserve, sans mauvaise surprise. L’art est aussi un investissement. Ce n’est pas pour rien qu’on utilise la notion de patrimoine.

Mais voilà, le musée, tel qu’il a été conçu il y a 2 siècles, n’a pas été prévu pour accueillir l’art contemporain, qui surfe avec les limites : matériaux jetables, dégradables, supports temporaires, expression d’idées au détriment de la matière… Autant d’états de fait qui obligent les institutions d’art contemporain à se repenser en tant que musée car, comme le dit Diana Gay, « le patrimoine à conserver est autant matériel qu’immatériel, artistique que documentaire ». C’est donc une question délicate et épineuse que Muriel Ryngaert et Stéphanie Airaud ont soulevée dans un colloque que la diversité et le niveau des intervenants ont rendu passionnant.

Pourquoi dis-je alors que cette question est épineuse ? Parce que la conservation n’est un problème pour l’artiste qu’indirectement : il sait que c’en est un pour ses acheteurs et il en tient compte s’il le souhaite, ou pas du tout comme les nouveaux réalistes des années 60. Mais le temps a passé. Finie l’insouciance. L’artiste Michel Bazy réalise des tableaux à la crème dessert, à l’œuf et au lait concentré et les fait travailler par des rongeurs et insectes. Ils dévorent les couches, traçant des réseaux qui se superposent aux craquelures et aux boursouflures de la matière. Le résultat, surprenant, est assez beau.