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Dara Friedman, Ange Leccia, Anselm Reyle

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Trois artistes européens partageant un semblable intérêt pour l’image et l’esthétique: le vidéaste français Ange Leccia, et deux jeunes artistes allemands — Dara Friedman, photographe et vidéaste, et Anselm Reyle, qui se joue des codes de la peinture et de la sculpture.

La Galerie Almine Rech réunit trois artistes ayant le même intérêt pour l’image et sa portée esthétique. Un travail sur la « surface » de l’image qui traîne derrière lui tout de même de nombreuses implications sur le rôle de l’image comme signe et signifiant.
Trois artistes européens : le vidéaste français Ange Leccia, l’aîné de la réunion et deux jeunes artistes allemands. Dara Friedman, photographe et vidéaste évoluant principalement sur la scène américaine et Anselm Reyle, installé à Berlin qui se joue des codes de la peinture et de la sculpture.

Anselm Reyle ouvre l’exposition avec une petite sculpture en bronze posée sur un socle en formica relativement haut. La sculpture n’annonce rien, elle fixe juste un geste, une intention tirant l’objet vers l’abstraction. Une abstraction forcée, stylisée que l’artiste a voulu comme tel.
C’est d’ailleurs le défi qu’il donne à son travail : retrouver dans la simplicité la complexité de la démarche qui mène les artistes vers l’abstraction.

Reyle va ainsi puiser dans l’histoire de l’art. Sa sculpture expose la sculpture, à la manière d’un ready-made. Duchamp est naturellement convoqué, mais aussi, semble-t-il, Boccioni ou, plus proche de nous, Thomas Shutte.
Ses peintures, qui révèlent son intérêt pour le style, ont les mêmes racines : deux tableaux-objets qui essaient des rapprochements avec Fontana dans son travail sur l’identité de la toile, ou avec Raysse et Rauschenberg lorsqu’ils déconstruisaient la peinture «noble». Une œuvre-hommage qui sait cependant se départir du poids des Anciens. Car les citations de Reyle ne font que planer au-dessus des œuvres, celles-ci atteignant rapidement une autonomie face aux modèles.
Un peu plus loin, une sculpture en néons prend même la tangente. Elle frôle le plafond et dans son dynamisme, suggère quelques machines constructivistes, la fragilité et l’anti-fonctionnalité en plus.

Dans la même salle, Dara Friedman livre une prestation tout en douceur. Ses vidéos et ses photographies dépassent le cadre de la discipline pour faire œuvre d’installation. Des images qui ont la densité d’un espace : sur la porte près de l’entrée, Friedman colle Vertical Smile (2005), une photographie d’une bouche de femme à la verticale.
La sensualité de la bouche répond à la charge sexuelle de la pose. De même que l’installation, sur une porte fermée mais donnant accès à l’une des réserves (ce territoire de l’intime), achève de filer la métaphore.
La vidéo Revolution (2005) souligne une nouvelle fois sa faculté à parler le même langage que l’espace. La camera suit un homme marchant dans un New York saisi au matin. Le travelling montre le personnage de profil avec les reflets du soleil en point de mire. Le film commence à l’aube et avance jusqu’au bout de la pellicule 16mm.
La pellicule termine son cycle quand l’image a de son côté fait une rotation complète sur elle-même. Une révolution tranquille en somme, au rythme lent et régulier des pas du modèle que le spectateur emprunte aussi mentalement, faisant corps avec l’image, sensation similaire à celle qui le tenait devant l’installation précédente.

Ange Leccia occupe la dernière pièce avec une installation-vidéo créée à partir de deux séquences filmées et disposées l’une au dessus de l’autre (Brighton, 2005).
En bas, une femme allongée sur une plage l’été tend ses jumelles vers le ciel. En haut, un combat aérien. Les deux séquences semblent provenir de fonds d’archives du milieu du XXe siècle.
La projection sur un damier de feuilles cartonnées accrochées au mur rapprochent par simple association d’images deux environnements bien distincts. Les loisirs, la guerre : l’association par manipulation des films produit l’altération du sens que les réalisateurs d’origine ont voulu livrer. Ange Leccia implique le spectateur d’abord devant la vision d’un documentaire puis rapidement devant une esthétisation de l’image, faisant de ce qui aurait pu être un témoignage historique, une situation burlesque.
Ange Leccia nous place en quelque sorte face à une contrefaçon qui nous renseigne tant sur la faculté de l’artiste à sublimer le réel (c’est-à-dire à produire du sens sur du sens) que sur les dérives de l’information par l’image.

Dara Friedman :
— Revolution, 2003. Film 16mm transféré sur DVD. 9’20.
— Vertical Smile, 2005. Photo sur vinyl adhesif. Dimensions variables.

Ange Leccia :
—Brighton
, 2005. Double projection vidéo sur support cartonné. Dimensions variables.

Anselm Reyle :
— Sans titre, 2005. Bronze. 30 x 40 cm.
— Sans titre, 2005. Néon. 180 x 120 x 100 cm.
— Sans titre, 2005. Techniques mixtes sur toile. 227 x 332 cm.
— Sans titre, 2005. Techniques mixtes sur toile. 35 x 45 cm.
— Sans titre, 2005. Techniques mixtes sur toile sous plexiglas. 135 x 114 cm.

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