DANSE | CRITIQUE

Danser sa vie, danse et Arts visuels aux 20e et 21e siècles

PSophie Grappin-Schmitt
@28 Nov 2011

Avec «Danser sa vie, danse et Arts Visuels au 20ème et 21ème siècle», Christine Macel et Emma Lavigne tentent d’exposer la danse au Centre Pompidou. La tâche est forcément louable, l’enjeu et les difficultés énormes. Car comment exposer la danse et à partir de quel matériel ?

Au départ du projet «Danser sa vie» les deux commissaires d’expositions citent le précédent marseillais: «Danses tracées», à l’initiative de Laurence Louppe, qui avait démontré, il y a vingt ans déjà, la beauté formelle des écritures de la danse, leur enjeu plastique.
Il s’agira tout au long de l’exposition d’explorer, par le champ du visuel, ce réservoir des possibles que constitue la danse, mais surtout, donc, ces traces et autres scories qu’elle laisse derrière elle et qui ont été ici rassemblées dans un souci didactique évident.

Ainsi «Danser sa vie» a le mérite de présenter au plus grand nombre les principaux jalons d’une histoire de la Danse au XXème siècle. Elle s’attarde sur les quatre premières décennies qui fondèrent une modernité en danse, exposant — pour notre plus grand plaisir — ce qui s’apparente peut-être à une galerie de fétiches.
En effet, ainsi rassemblés, les documents originaux composés d’esquisses, de planches, de photographies, de costumes et de courtes bandes vidéo, offrent pour l’amateur une occasion rare de toucher des yeux ces objets qui hantent les livres d’histoire de la Danse. Dessins de Mary Wigman, unique archive filmée d’Isadora Duncan dansant, icosaèdres de Rudolf Von Laban… le visiteur se trouve saisi d’un plaisir autopsique, à la limite du recueillement religieux. On ne peut échapper à l’impression d’observer une série de preuves, à la mise en place d’une déduction où s’élabore le récit, forcément tronqué, des relations entre danse et arts plastiques.

Il est toujours bon de rappeler combien la danse est un art majeur, à quel point elle a influencé les arts visuels, pourtant l’absence de danse live dans cette exposition (les performances choisies pour figurer dans l’espace d’exposition n’appartiennent pas au champ chorégraphique) opère comme un symptôme.
Si dans la première salle de l’exposition, les deux commissaires ont très justement choisi de faire dialoguer, après une ouverture sur le film de Daria Martin, In the palace (2000), la fresque monumentale de Matisse avec une performance de Tino Sehgal —qui fut d’ailleurs interprète pour Jérôme Bel, dont deux extraits de The show must go on closent, avec une certaine logique de boucle, le parcours de «Danser sa vie»—, on peut regretter que ce mode d’exposition, qui confronte médiums et modalités du mouvement en même temps qu’il interroge la spécificité de l’art vivant, n’ai pas été conservé par la suite.
Le rapprochement avec des œuvres contemporaines, finalement opté pour les autres salles, apparaît anecdotique comparé au chantier réflexif ouvert et refermé aussitôt.

Dans la succession chronologique et attendue des périodes plus ou moins fastes de cette correspondance interdisciplinaire, on retiendra une forme d’apothéose autour de la salle consacrée aux costumes du Ballet Triadique d’Oskar Schlemmer, jusqu’au beau film d’Ed Emshviller Fusion (1967): quand, effectivement, le corps vivant disparaît sous le costume, le geste plastique, cinétique ou le montage cinématographique, cette exposition prend tout son sens. Elle échoue par contre à exposer le vivant jusqu’à rendre son titre malheureux.
On songera donc à l’échange entre Boris Charmatz et Béatrice Josse qui eut lieu quelques jours avant l’ouverture de «Danser sa vie» à la Fondation d’entreprise Ricard pour l’Art Contemporain, et qui prenait pour sujet les modalités d’exposition de la performance. Il est dommage que les solutions envisagées par l’un et l’autre, au Musée de la Danse de Rennes et au 49 Nord 6 Est FRAC de Lorraine, n’aient pas justement constitué un point de départ à l’exposition proposée par le Centre Pompidou.
Par ailleurs, il apparaît intéressant de retrouver au sous-sol du bâtiment, dans l’espace consacré de Vidéodanse, au plus près de la scène dédiée au Spectacles Vivants, la performance Planes de Trisha Brown (1968) ainsi que l’installation interactive de Richard Siegal If/Then Installed (2011). Comme si, bien (trop) vivante, l’histoire en danse devait se jouer ailleurs…

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