ÉCHOS | ECHOS
01 Jan 2002

Danse et design : quand le lieu fait le geste…

« Le geste est une affaire d’espace, disait Balanchine. Et qui mieux que les architectes peuvent saisir les enjeux et la poésie d’un vide à remplir ? » Dernier exemple significatif de cette collaboration inattendue : la cafétéria et le hall commun de la Ménagerie de Verre réalisés par Matalie Crasset. Loin d’être une initiative autonome, cette commande témoigne du lien étroit que danseurs et architectes ont tissé aux fils des ans, avant que le design ne s’en mêle. 

Par Coline Arnaud

Comment dissocier l’art de la danse du lieu qui l’abrite ? A l’époque où le ballet déployait ses fastes parisiens sous la houlette des premiers maîtres russes, Charles Garnier lui offrait un temple grandiose, à la mesure du spectacle social et chorégraphique qui s’y jouait. Si les enjeux actuels de la danse évoluent vers d’avantage d’introspection, cette complicité avec l’architecture reste prépondérante. Il s’agit moins désormais de traduire la pompe scénique que de rendre perceptible, par la forme même du bâtiment, le combat quotidien du corps et de l’espace.

Institutionnalisée dés la mise en place des Académies, cette pratique reste tout au long du siècle dernier le résultat d’une décision bureaucratique, prise par les collectivités territoriales chargées de subventionner le projet. Ces décisions administratives ne permettent souvent pas un travail commun entre chorégraphes et architectes, le premier subissant souvent les impératifs du second. Pourtant, des exemples annoncent déjà l’avènement d’un nouveau type de collaboration. En 1992, Roland Simonet imagine pour l’Ecole nationale supérieure de la danse de Marseille une avalanche de spirales et de volutes exprimant toutes les possibilités du geste. Cette réalisation, qui s’inscrit dans une période de décloisonnement des arts, ouvre la porte à une coopération durable entre l’architecture de Simonet puis de Jean Nouvel, Zaha Hadid, Thom Mayne, et les chorégraphies de Frédéric Flamand, actuel directeur de l’ENSD.

Suivant cette logique, de nouveaux projets se forment, où le choix du bâtiment résulte d’une décision concertée entre danseurs et urbanistes. Ainsi, les locaux qui abriteront le futur Centre de développement chorégraphique de Vitry sur Seine témoignent d’une réflexion non pas pour mais avec le geste. Le bâtiment conçu par Philippe Prost en accord avec Michel Caserta ne s’inspire pas du mouvement, il le recrée de toute pièce pour offrir aux danseurs un espace qui vive au rythme des répétitions, des temps de pauses, des spectacles.

Si ce rapprochement artistique séduit aussi bien les danseurs que les usagers, c’est aujourd’hui au tour du design d’en profiter. La Ménagerie de Verre à Paris innove ainsi en proposant à Matali Crasset de réaliser la cantine et le hall commun de ses locaux du 11è arrondissement.  Si cette commande provient de la direction de la salle de spectacle, elle est entièrement financée par des collectivités publiques, dont la Ville de Paris. L’œuvre de Matali Crasset s’amuse à bousculer les codes en mêlant allégrement espaces publics et scéniques. L’atout du design est de proposer une œuvre de proximité, perceptible seulement le seuil du lieu franchi. En s’intéressant à un espace public, réservé aux usagers et non aux danseurs, le design annule le cloisonnement problématique entre les secteurs destinés au travail et ceux dévolus à la circulation. Il va chercher dans le détail d’un meuble et d’une couleur de plafond l’essence du travail chorégraphique et l’inscrit dans le quotidien d’une salle de restauration. Un moyen efficace de sentir le geste avant de le voir sur scène. 
 

AUTRES EVENEMENTS ÉCHOS