DANSE | CRITIQUE

Dans Dans

PMarie Juliette Verga
@13 Juil 2013

Lisi Estaras, pour les Ballets C de la B, et Hendrink Van Doorn, pour Het Kip, tentent de mettre en scène une composition idéale qui exposerait les relations dansées des interprètes. Face à cette quête impossible, Dans Dans est un précipité de sueur et de drôlerie dans lequel surnagent quelques larmes, à peine évoquées.

Lisi Estaras est une invitée permanente des Ballets C de la B, qui se sont mués au fil des années en plate-forme de création, accueillant diverses formes artistiques et plusieurs chorégraphes. Lisi Estaras a hérité, avec Alain Platel, du projet Dans Dans après la disparition d’Éric de Volder, homme de théâtre flamand qui l’avait initié. La voilà prête à exposer son univers personnel dans une structure plurielle qui mêle les Ballets C de la B et le collectif Het Kip.

Sur un plateau nu et silencieux, Dans Dans fait éclater le vernis qui recouvre parfois le travail des corps. Le spectateur doit faire avec l’absence de musique et la lumière directe, quasi immobile. La pièce se concentre tout entière sur les corps d’Hendrik Van Doorn, Nicolas Vladyslav et Lara Barsacq. Ces trois virtuoses incarnent la singularité de chacun tout autant que le mouvement comme un ensemble de gestes inscrits dans la mémoire collective. C’est à l’intérieur de cet ensemble qu’ils parviennent à se trouver les uns les autres. Leurs relations nécessairement mouvantes les contraignent à jouer le jeu de l’évolution permanente d’une situation qui peine à réunir leurs individualités, ce qui leur a valu «beaucoup de sueur et bien des larmes, des rires et du chagrin…»

Comme un catalogue raisonné qui réunirait workshop de danse contemporaine, école du cirque et ateliers pour aspirant comédien, Dans Dans est une pièce de danse humoristique. Cela n’a rien à voir avec les parodies qui envahissent les plateaux — pleines de la prétention à ne pas être intellectuelles — et qui finissent par respirer le cynisme malgré leurs déclarations de générosité. Les trois danseurs bataillent afin de trouver une faille vers l’Autre. Ils s’attachent à aller à l’abordage de ces corps qui évoluent librement, formes instables, pris entre état sensible, contorsion, mime et performance sportive. Isolés ou rassemblés l’espace d’un instant, Hendrik Van Doorn, Nicolas Vladyslav et Lara Barsacq — capables de prouesses physiques qui n’excluent pas une grande finesse de présence — se saisissent par tous les possibles, se jettent contre les murs, disputent des duels tête-à-tête, sculptent les formes humaines en tableaux détournés, courent à perdre haleine, tirent sur la langue d’un autre, réinventent les saluts. Une succession de numéros dans l’esprit du cabaret. Les gestes se bousculent ou prennent leur temps, l’inventivité des combinaisons ravit.

Dans Dans est une pièce construite à partir d’une idée d’une simplicité fondamentale: la stabilité inatteignable des relations humaines. Une écriture impeccable et des interprètes sidérants ajoutent à une expérience vivifiante, l’explosion d’une puissante énergie qui donne sens aux gestes — à mi-chemin entre fou-rire et désespoir.

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