DANSE | CRITIQUE

Cycle de conférences et conférences dansées

PMarie Souilliart
@19 Nov 2011

Envisager le tracé pictural, la sculpture mais aussi les lettres, comme une vision radiographique des flux et des intentions qui engloutissent la chair. Tous les premiers mardis des cinq mois à venir, Daniel Dobbels prendra pour exemples certaines oeuvres qui fonctionnent comme l'acmé d'une correspondance, aux deux sens du terme, entre les arts plastiques et la danse.

Subir un choc esthétique. En proie à une vive réaction physique, subir l’état d’une tension qui se serait dégagée immédiatement comme l’éclat de l’oeuvre. Laisser résonner cette atteinte. Puis, un jour, recouvrer une possibilité de se mouvoir à l’aune d’une intuition créatrice. Daniel Dobbels décrit ce point de vertige comme le cas d’école qui ouvre le bal de «1000 corps pensables», dès lors que l’expression personnelle de l’artiste intervient sur le motif ou au nom de celui-ci. La «syncope» éprouvée par Martha Graham devant l’oeuvre de Kandinsky préfigure, selon lui, l’équivalence dansée de la peinture. Voir une longue balafre rouge qui scinde la toile, produit un impact si puissant qu’il ne sera pas sans rapport avec la naissance du tension release. Cela inspirera également la mise en scène de Diversion of Angels (1948).

A ce moment du discours, les gestes du chorégraphe nous captivent. Sa façon de montrer comment telles parties du corps auraient pu ou non être affectées par tel trait formel de la toile, apporte une dimension concrète et sensible à son propos. Toutefois on regrette que cette démonstration in vivo, qui justement donne tout son intérêt à une conférence «dansée», ait aussi peu étayé son contenu. Les pistes les plus pertinentes qui sont évoquées ensuite, comme la transformation de l’espace de l’oeuvre en celui de la scène, ne sont plus explorées avec la profondeur et la teneur escomptées. Seul et attablé, avec pour unique contrepoint les reproductions des œuvres projetées, Daniel Dobbels ne partage que de façon parcellaire l’apport imaginaire qui résulte de ses recherches. On attend avec impatience les actes chorégraphiques prévus pour seulement certaines des prochaines rencontres.

En revanche, le point de vue de l’historien fait apparaître à quel point le contexte de ces oeuvres vient corroborer le symbolisme des corps représentés puis incarnés. On comprend par diverses formulations redondantes le pourquoi de ce dialogue entre les supports: l’enjeu pour tous les corps aliénés de retrouver dans d’autres arts, autrement dit dans des simulacres, une vibration présente au tréfonds de l’être mais dont il faudrait inventer l’écriture corporelle. Toutefois cet apport théorique, au lieu de n’être que charpente, se confond en un faisceau d’anecdotes dissipant ce qu’on aurait souhaité: un point focalisateur rendu sensible, fouillé dans le vécu du corps, dans les implications qu’engendre une mise en scène. Il nous manque donc toujours le comment. La narration corporelle est si distillée qu’on se dit parfois assister à lecture d’extraits décousus du prochain ouvrage de Daniel Dobbels, dont ces conférences reprennent le corpus.

Une impression de chorégraphie subsiste néanmoins, par la façon même dont le discours est organisé. De fil en aiguille, toutes directions, digressions et potentielles analogies découvertes enrichissent le propos, dévient aussi son trajet. Cette forme invite à une flânerie autour de ces réflexions. On se laisse tenter, surtout si on sait que les six conférences seront disponibles à la médiathèque du CND ainsi que podcastées sur le site.

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