PHOTO | CRITIQUE

Cyberspaces

PClémentine Aubry
@12 Jan 2008

Des vues d’intérieurs de prostituées en contact avec des clients virtuels par le biais d’internet, d’une webcam, et… d’une carte de crédit. Le cybersex comme matière à interroger les images et la notion de l’authenticité.

L’exposition « Cyberspaces » traite avant tout d’espace. Ou plutôt des fragments d’un espace privé, à la fois réel et virtuel, que des prostituées « occasionnelles » donnent à voir et à pénétrer à leurs clients par le biais d’internet, d’une webcam, et… d’une carte de crédit.
Le cybersex est un produit des Occidentaux qui nouent des relations virtuelles avec des femmes sud-américaines, asiatiques ou d’Europe de l’Est. Il en résulte des scènes de fausse intimité dont témoigne Joachim Schmid.

Consommateur d’images de toutes natures, prises en tous lieux, happées au moyen des technologies numériques, Joachim Schmid s’intéresse à la question de l’authenticité. Quelle sortes d’images « authentiques » peut-on trouver dans le monde virtuel où tout est contestable, potentiellement inventé ?

« Cyberspaces » rassemble des images de webcam transformées en photographies largement pixelisées. Il ne reste que la vision floue et partielle d’un espace de vie sans personnages : le mur d’une chambre, un coin de canapé, une tête de lit recouverte de tissu léopard, un oreiller creusé, autant de fragments d’intimité et d’individualité (peluche, fleurs, jouets d’enfants, talons aiguilles) qui témoignent d’une présence humaine.

La démarche relève du voyeurisme discret, sans indécence, voire d’un simple constat. Car Joachim Schmid s’intéresse moins aux personnes, à leur identité ou leurs actions, qu’aux situations.

Précédemment, la série « Very Miscellaneous » rassemblait des photos prises par des anonymes en prétendant qu’elles étaient dues à photographes connus ; la série « Statics » se composait de cartes postales broyées puis juxtaposées en bandes pour former des écrans de couleurs ; dans la série « Decisive », Schmid récupérait des portraits de toutes époques abandonnés, ratés, parfois même déchirés, et leur donnait une seconde vie en les présentant par moitié, côte à côte, de façon à créer des effets troublants de ressemblance et de dissemblance.

Fondateur de l’Institut du recyclage des vieilles photos, Joachim Schmid oscille entre l’archiviste et l’activiste voleur d’images. Comme il l’explique, il ne prend jamais de photos, mais se contente de prendre celles des autres, peu importe qu’elles soient ratées, banales et anonymes. Il se constitue en recycleur de l’accumulation d’images parmi lesquelles « nous pataugeons ».

« Cyberspaces » représente une nouvelle étape dans le questionnement de la notion d’image comme archive, dans l’interrogation et la mise en perspective du témoignage photographique.

Joachim Schmid :
— Sans titre, série « Cyberspaces », 2004. Lambda print. 50 x 80 cm.

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