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Cuisines en ébullition

S’il fallait donner une consigne de visite pour découvrir l’exposition « Cuisines en ébullition », ce serait de se promener au préalable dans les allées du Pavillon 1. Là sont exposés les derniers équipements commercialisés par les principaux fabricants de cuisine. Le contraste est saisissant : côte Foire, des solutions qui semblent figées dans des conventions déjà anciennes, s’articulant presque invariablement autour du même schéma : une superposition de meubles de rangements fixés aux murs, entourant un plan de travail. Côté exposition en revanche, des modèles franchement surprenants, résultat d’un travail prospectif sur ce que pourrait être la cuisine de demain.

A l’origine de cette initiative, un programme de recherche lancé en octobre 2007 par le VIA, l’UNIFA et l’Institut technologique FCBA. Un appel à projets auprès d’écoles de design françaises a conduit à la sélection des 19 propositions d’étudiants qui, épaulés par des industriels, ont donné naissance aux prototypes que l’on découvre aujourd’hui. Ceux-ci se répartissent en 7 thèmes, en fonction des problématiques auxquelles ils s’efforcent de répondre. En réalité, cette répartition paraît rapidement artificielle tant on sent dans certains projets une volonté de remettre en cause l’ensemble des postulats actuels et de s’attaquer frontalement à toutes les dynamiques qui sont en train de refaçonner la cuisine domestique : multiplication des modes alimentaires, prise en compte de la diversité des utilisateurs et de leur mode de vie, intégration de nouveaux matériaux, etc.

L’exposition, extrêmement dense en termes de réflexion, prend justement toute sa mesure lorsqu’on s’affranchit de son organisation thématique pour la soumettre à une lecture plus transversale. C’est alors qu’apparaissent les dénominateurs communs qui permettent d’imaginer à quoi ressemblera, dans les prochaines années, cette pièce centrale de l’habitat qui est aussi, comme le rappelle le catalogue, la plus technologique de la maison, donc celle soumise au plus grand nombre d’influences.

Première observation : la cuisine cesse d’être un ensemble de meubles statiques pour devenir un espace à géométrie variable. La « Cuisine paysages » s’ouvre et se ferme pour s’adapter aux activités et au nombre de ses utilisateurs. L’évier multifonctionnel de la « Cuisine génétiquement modifiée » se règle en hauteur et peut se transformer en table grâce à son système d’accroche de plateaux-repas. Le « Social Hub » s’articule autour d’un ilot central sur lequel viennent se greffer jusqu’à quatre meubles satellites, et autant d’activités « non-culinaires ».  

La cuisine s’adapte aussi à l’âge et au niveau de mobilité de ses usagers. Dans la section « Vieillesse et Handicap », deux projets se distinguent ainsi par l’économie de leur approche : plutôt que d’imaginer des équipements entièrement spécifiques, ils prévoient simplement l’ajout de modules aux équipements déjà en place : un plan de travail lumineux pour les « Cuisines de lumière », une rampe Interface pour « Sense Line ».

Les frontières de la cuisine en tant qu’espace spécifique semblent également s’effacer, soit qu’elle s’exporte dans d’autres lieux (le Polefood réunit en un cube mobile tout l’équipement pour se préparer un repas), soit qu’elle se mélange au séjour grâce à un système de blocs bifaces indépendants des murs (la cuisine Janus). 

Enfin, les économies d’énergie et la gestion responsable des ressources environnementales sont bien présentes dans les préoccupations des créateurs, à la fois dans le choix des matériaux et dans le traitement des eaux domestiques. 

Les projets présentés dans le cadre de « Cuisines en ébullition », même s’ils ont reçu l’appui d’industriels pour leur réalisation, ne poursuivent aucuns objectifs commerciaux. Espérons toutefois que lesdits industriels sauront s’inspirer de ces recherches pour faire évoluer leur offre dans le sens d’une plus grande créativité et d’une meilleure prise en compte d’usages déjà bien ancrés dans nos modes de vie.

E. Gadel, A. Wicquart et P. Duthoit
— Cuisine génétiquement modifiée.
Eléonore de Belilovsky
— Janus. Camondo, Mobalpa.
Lou Xiaoyu et Mathieu Peyroulet-Ghilini
— Cuisine Paysages. ENSCI — Les Ateliers, Hardy-Inside. 
Jules Froissant
— Polefood. Camondo / Mobalpa.  
Mathilde Jaloux
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Social Hub, 2009. ENSAD Paris / Gilet — Groupe GMV Ameublement. Â