ART | EXPO

Couronnées de laurier dans l’oubli

03 Juin - 30 Juin 2010
Vernissage le 05 Juin 2010

Les œuvres des trois artistes iraniens exposées ici projettent le long cri de colère du poème Howl d’Allen Ginsberg sur la réalité cachée de la vie quotidienne dans un Iran déchiré.

Ramin Haerizadeh, Rokni Haerizadeh, Bita Fayyazi
Couronnées de laurier dans l’oubli

«J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus, […] initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne,[…] qui sur les appartements des bords de l’eau de l’Hudson River créèrent de grands drames-suicides sous le pojecteur bleu du temps de guerre de la lune et leurs têtes seront couronnées de laurier dans l’oubli…» (Allen Ginsberg, Howl)

La galerie Thaddaeus Ropac présente une exposition d’œuvres des artistes iraniens Ramin Haerizadeh, Rokni Haerizadeh et Bita Fayyazi.

Les trois artistes ont choisi d’emprunter le titre de l’exposition au poème Howl d’Allen Ginsberg (1956), l’un des textes fondateurs de la Beat Generation. Ginsberg y décrit un rêve américain qui tourne mal, une merveilleuse jeunesse aux perspectives infinies emportée dans une spirale autodestructrice et broyée par les institutions. Les œuvres exposées projettent le long cri de colère du poème sur la réalité cachée de la vie quotidienne dans un Iran déchiré.

Bien des points communs unissent les peintures de Rokni et de Ramin Haerizadeh, à commencer par l’ironie sous-jacente, la création de mondes fantasmagoriques et le regard sans concession porté sur les dérives du régime actuel. C’est ce qui fait la force de leurs œuvres respectives et ils comptent d’ores et déjà, ensemble ou séparément, parmi les artistes les plus attachants et les plus passionnants de la scène iranienne.

Rokni Haerizadeh bâtit un univers excessif, quasi onirique, où l’on se laisse happer par les couleurs vibrantes et les formats souvent immenses. Ces images démesurées offrent pourtant une évocation étrangement réaliste de la vie quotidienne dans la république islamique d’Iran, où l’artiste formule par petites touches son point de vue personnel.

Les tableaux exposés se placent sur un registre délibérément polémique. Oh Victory, You Forgot to Wear Your Underwear (Neda) (Oh, victoire, tu as oublié ta petite culotte (Neda)) les voitures incendiées et la foule des manifestants dans la rue où Neda Aghan-Soltan est morte sous les balles, tandis que les quinze panneaux de l’installation The Pieces Required in Constructing the Whip of Foe (Les éléments nécessaires pour construire le fouet d’un ennemi) dénoncent l’hypocrisie du régime islamique qui inflige des châtiments à connotation sexuelle, en contradiction avec toutes les lois humaines et avec les préceptes de l’islam.

Rokni présente aussi des œuvres sur papier réalisées à partir de photographies d’écrans qu’il a retouchées à la gouache. Elles offrent une vision drôle et caustique de la situation actuelle en Iran.

Son frère aîné Ramin Haerizadeh donne tout aussi résolument son point de vue personnel sur l’état de l’Iran depuis la révolution islamique. Ses photomontages déploient un tissu de contradictions et d’absurdités où tous les personnages s’affublent du visage de l’artiste. Les apparences se confondent-elles avec la réalité ? semble-t-il demander.

Dans la série récente «We Choose to Go to the Moon» (Nous choisissons d’aller sur la Lune), le visage de Ramin exprime parfois l’écœurement et la colère devant l’autoritarisme du gouvernement iranien. Certaines de ces œuvres recèlent des images de Mohammad Mossaddegh (1882-1967), Premier ministre du chah d’Iran en 1951-1953, héros de l’anti-impérialisme, qui avait chassé les compagnies étrangères et nationalisé le pétrole iranien. Mossadegh reste un symbole des valeurs démocratiques et nationalistes en Iran.

Les bronzes récents présentés par Bita Fayyazi possèdent une forte composante narrative liée à ses souvenirs d’enfance. Elle expose sept sculptures au sous-sol de la galerie, dont The Demon Came to Quench his Thrist, but Stumbled into the Pond (Le démon est venu étancher sa soif mais il est tombé dans l’étang) et Pestle & Mortar I et II (Pilon et mortier I et II). La fonderie de Coubertin, à Saint-Rémy-les-Chevreuse, a réalisé plusieurs de ces fontes. Les sept œuvres illustrent avec beaucoup d’humanité les thèmes de la fragilité, la séduction, la violence, la superstition, la rébellion et la capitulation.

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