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Corpus Simsi

Traité d’anthropologie Sims. Une immersion dans le jeu vidéo Les Sims™ où l’on suit l’incarnation (corpus simsi) de Chloé Delaume en personnage fictif — ou plutôt fictionnel — et la vie qu’elle mène dans ce monde virtuel parallèle. Une étape par chapitre : espace, temps, besoins, langage, etc. Une écriture originale à suivre.

— Éditeur : Léo Scheer, Paris
— Année : 2003
— Format : 17 x 23 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 146
— Langue : français
— ISBN : 2-915280-07-X
— Prix : 25 €

Projet Corpus Simsi
par Chloé Delaume (extrait, p. 124)

Le projet Corpus Simsi s’est amorcé en juin 2002. Il s’agissait d’explorer quelques pistes portant sur le rapport de la fiction au virtuel, et sur le jeu en tant que territoire d’investigation poétique. Les jeux vidéo constituent en soi un support artistique encore trop peu exploité à ce jour. Alors que le détournement, le cut, la réappropriation d’images fixes et mouvantes sont couramment usités, le jeu vidéo, probablement victime de son aspect populaire et générationnel, est rarement pris pour ce qu’il est : un générateur de fiction, doublé d’un outil technique singulier.

Les Sims™, jeu de simulation de vie virtuelle, s’est imposé immédiatement comme média à cette expérience. Par définition, ce logiciel permet une infinité de situations inédites, mais aussi de transferts et de mises en abyme. Il propose à ses utilisateurs un monde parallèle, où la plus grande des libertés d’action cohabite avec la plus ferme des codifications. De plus, ce jeu marque indéniablement l’histoire du vidéo game. Il est le plus vendu au monde, compte de véritables adeptes à travers tous les continents. Des centaines de sites et forums lui sont dédiés sur le web, de très nombreuses communautés se sont créées autour de lui. Phénomène rare, 60 % des joueurs sont de sexe féminin. Devenu une donnée culturelle collective, certains psychanalystes y ont même recours auprès de leurs patients. Les Sims sont donc, au-delà d’un objet ludique, un système propre, où chaque interaction avec l’environnement, chaque choix du joueur fait sens. Les Sims sont un reflet fidèle et condensé de l’existence de l’homme dans les sociétés occidentales contemporaines. Une négociation permanente avec le champ des possibles, une succession de situations inéluctablement virussées parce que construites par et sur le capitalisme. L’engouement pour Les Sims peut s’expliquer assez facilement : les jeux aussi ouverts, au graphisme si soigné, permettant au joueur de se projeter aussi radicalement ne sont pas légion. Maxis, filiale d’Electronic Arts, a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué : Les Sims sont bien le deuxième monde.

Le projet Corpus Simsi s’est déroulé en trois phases. Le point de départ est une variation autour de la notion d’autofiction. Chloé Delaume, personnage de fiction pire que les autres, a refusé de s’incarner dans un livre. Dans un précédent roman, La Vanité des Somnambules, elle a quitté le lieu de résidence initial de ses congénères, la Somnambulie, pour prendre possession d’un corps humain, qu’elle s’est empressée de parasiter. S’étant fait expulser tout en poussant le corps hébergeant à l’implosion, elle se retrouve donc nulle part, ce qui n’est pas très pratique. Aussi décide-t-elle de prendre définitivement résidence dans le jeu Les Sims™, sachant ce nouveau territoire particulièrement adapté à sa situation de personnage de fiction sans domicile fixe. Sous forme d’avatar de son ancien corps humain, elle devient un petit personnage de jeu vidéo formaté, soumis à des règles différentes de celles du monde réel, face auxquelles la fiction n’est peut-être pas aussi souveraine qu’elle y paraît. Actions préprogrammées et fatum, bugs et clinamens, boucles et ritournelles : autant de similitudes entre les deux univers, autant de failles où s’engouffrer.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Léo Scheer)

L’auteur
Chloé Delaume, écrivain, est né en 1973 à Paris. Elle a publié Les Mouflettes d’Atropos (Farrago, 2000), Le Cri du sablier (Farrago/Léo Scheer, 2001), La Vanité des Somnambules (Farrago/Léo Scheer, 2003).
Lien
Le site de Chloé Delaume