ART | CRITIQUE

Contrepartie (avec ou sans équivalences)

PMarie-Jeanne Caprasse
@23 Oct 2012

Oratorios, Orphiques, Cantos noirs, Quadriparti Lécythes, tels sont les noms chargés d’histoire que le peintre donne à ses séries, investissant par les mots un travail d’écriture plastique. S’enrichissant du travail antérieur, des accidents et des questions nouvelles, Dominique Gauthier est pris depuis plus de trente ans dans un jeu sans fin de construction formelle.

Excessif, jouissif, entêté. Dominique Gauthier n’en finit pas de remettre sur le métier la toile et de faire et défaire ses compositions de formes et de couleurs, faisant sienne la devise de Léonard de Vinci, « Hostinato rigore » (obstinée rigueur). Hostinato est d’ailleurs le nom qu’il donnera à un ensemble de toiles réalisées entre 1992 et 2008.

Les toiles de grand format qui accueillent le visiteur, dégoulinant de couleurs pures, ont un côté jouissif et régressif. Eclatants, ces conglomérats de lignes et aplats s’entremêlent et se superposent, dans une explosion de joie. Le peintre aime la forme qui se découpe sur un arrière-plan, bien délimitée sur les bords, la ligne qui sinue, le foisonnement et l’entropie, l’interpénétration des formes ou bien leur superposition qui cache et révèle en même temps.

Prolifération et explosion caractérisent le mouvement qui s’empare de ces toiles. Mais s’il est question d’espace, il est aussi question de temps et de durée. Ici, une accélération brève, un souffle rapide. Là, comme à l’étage de la galerie, ce sera plutôt le mouvement régulier, le rythme cyclique.

Les grandes toiles de la série Orphiques II accrochées en mezzanine nous font entrer dans une temporalité différente: les compositions reposent sur une structure répétitive à base de cercle concentriques noirs et gris, traversée par des bandes blanches mais aussi de couleur translucides. Et l’on voit ainsi se matérialiser, par la rencontre de ces formes, de ces matières et ces couleurs perméables et imperméables, l’immobile, le diffus, le cheminement et la vibration.

Un contraste qui est d’autant plus réussi grâce à la scénographie. Car il réside un intrus parmi la série: le grand tableau de la série Quadriparti Lécythes. Un tableau tonique qui regorge d’énergie chaotique, avec ses entrelacs colorés suggérant mobilité, fluidité et confusion, par opposition aux formes organisées et structurellement plus lisibles de la série Orphiques II.

Peintre du geste et de l’émotion, Dominique Gauthier semble fasciné par la vie des formes et questionne ce qui fait la structure, l’équilibre du tableau. Cherchant continuellement comment imbriquer les formes et les faire tenir dans un juste équilibre, celui qui permettra à la composition de devenir autonome, avec son rythme vital singulier.

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