DANSE

Contes tordus

PSiyoub Abdellah
@11 Mar 2012

Présentée dans le cadre de Hors Saison, le rendez-vous danse d'Arcadi, Contes tordus est une pièce construite par les regards croisés de Julie Nioche et Christophe Huysman autour d'une certaine idée de l'enfance et de la plasticité du conte.

Contes tordus a d’abord été une commande dans le cadre de Sujets à vifs au Festival d’Avignon 2011.
Julie Nioche le présente comme un partage de «la maternité du mot et du mouvement» tandis que son rapport aux contes est chargé d’une affection particulière pour les personnages naïfs dans les choix qui guident leurs existence et la richesse d’émotion qu’ils provoquent. A la fois doux et amers, cruels et tendres. Mais c’est la vision du conte comme univers à la fois merveilleux et ordinaire que révèle cette collaboration entre la chorégraphe et l’homme de théâtre.

Face au créateur de la compagnie des Hommes penchés, Julie Nioche évoque L’enfant penchée de Schuiten et Peeters. Des chaussures magnétiques toutes simples leur permettent de contourner la gravité, de donner à voir l’écart entre deux individus. Ainsi, ils mêlent dès l’ouverture ordinaire et fantastique, créant une distorsion de la réalité.

Plus tard, ils iront marcher chaussés des grands rails qui supportait leur poids, courir sur des balles de couleur tombées d’un coin de la boîte à illusions dans laquelle ils sont enfermés, tenter de se rejoindre à travers une structure gonflable. Des images apparaissent, s’imposent: les chutes, les visages et les corps qui pénètrent le plastique transparent. On apprécie la manière dont Christophe Huysman se soumet à ces dispositifs sans mimer le déséquilibre ou l’empêchement avec un engagement du corps qui dénote avec l’impression d’artifice qui recouvre progressivement celle de fantastique.

Étrangement — au vue du thème qu’il s’approprie — ce duo qui convoque corps, objets et mots, laisse moins de marge aux imaginaires que le précédent projet de Julie Nioche, Nos Solitudes. On peut regretter que la pièce juxtapose les dispositifs scéniques plutôt que d’en faire la matière même de l’écriture. Cela ainsi que les changement de lumières comme des limitations entre de tout petits actes alourdit cette idée du mouvement vers quelqu’un, la possibilité de laisser «l’enfance de l’autre nous glisser entre les doigts».

Portés par un désir extraordinaire de se rejoindre, de maintenir un lien, les personnages des contes tordus traversent les contraintes comme les différents territoires, les diverses épreuves qui dessinent la trame de l’initiation dans les contes traditionnel. L’enfance apparaît alors sous un jour souvent négligé celui du courage, de la lutte, des traversées inquiétantes et du risque pour soi que représente la relation aux autres. Ce ne sera pas facile d’«extirper une grâce viable et un sens non codifié à nos entraves, nos outrages, nos disparitions multiples, et la nécessaire innocence pour rester surpris de vivre encore» mais la tentative mérite notre attention.

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