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Coney Island / Alzheimer

30 Déc - 30 Déc 2006

Peter Granser présente deux séries de photographies: «Coney Island» et «Alzheimer». La première apparaît comme une critique en creux de la culture populaire américaine; la seconde, comme un hommage à la dignité des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Peter Granser
Coney Island / Alzheimer

Lors de sa création au tout début du XXe siècle, l’île de Coney Island au large de New York, était considérée comme un véritable paradis sur terre, l’utopie des classes moyenne et ouvrière ouvert toute l’année, terre promise mécanique. C’était un lieu public sans danger et convivial dont l’accès était bien moins onéreux que celui du paradis lui-même. L’île contenait pas moins de trois parcs d’attraction : A Steeplechase Park, qui ouvrit ses portes en 1897, les visiteurs faisaient des courses de chevaux mécaniques. Luna Park, ouvert en 1903, se targuait d’être un «paradis électrique». Dreamland, inauguré en 1904, proposait des simulations de promenades sous-marines, de promenades aériennes et un spectacle de combat contre les flammes. Coney Island était unique et sa renommée internationale.

Citoyen autrichien établi en Allemagne, Peter Granser, lorsqu’il photographie récemment Coney Island, est tout particulièrement attentif aux exagérations et absurdités qui ornent les contours de la culture populaire américaine. Son objectif présente le rêve américain de loisirs et de spectacles mécaniques sous un angle un peu triste, captant un mélange de doux sourires et de néant, d’humour froid et de mélancolie, qu’il évoque comme le «merveilleux charme morbide» de l’île. Les photographies que Peter Granser a prises à Coney Island peuvent apparaître comme une série de comptes-rendus à la fois simples, amusants, nostalgiques et tristes d’un endroit particulier, mais elles synthétisent également l’inlassable quête du plaisir de l’Amérique, le méli-mélo des classes lancées dans cette poursuite et cette tendance de solitude et d’aliénation qui saisit les gens même quand tout va bien. Les plages sont toujours bondées, mais Granser s’attarde plus souvent sur les étendues de sable presque abandonnées ; et malgré les familles et les couples qui se pressent pour faire un tour de montagnes russes, il émane une certaine solitude des plages et de la promenade qui les longe.

Granser ne semble pas intervenir ouvertement dans ce qui fait face à son objectif, sauf pour demander «puis-je vous prendre en photo?». Son amusement discret, ses couleurs sont pour la plupart aussi réservées que sa distance, invariablement polie. Les plages et les promenades de ses photos tendent à être délavées par le soleil, mais lorsque les bleus, jaunes et verts chartreux éclatants du parc d’attractions réclament l’attention, il la leur accorde volontiers. Sa contemplation tranquille révèle l’exceptionnel tapi dans l’ordinaire. Coney Island incarne une Amérique plus large que ce petit lopin de terre. Tout cela symbolise une culture dans laquelle la quête du bonheur est à la fois une garantie et un objectif pas toujours atteint, source de bons moments pour certains, et dans laquelle la vie quotidienne erre au milieu de sites de divertissement et d’univers de rêves artificiels. Coney Island a toujours été si profondément américaine que les photographies de Granser la présentant au XXIe siècle continuent d’évoquer les facettes du mode de vie américain. Un mode de vie original, sans doute, qui relie passé et présent, rêve et réalité. Granser lui-même dit de Coney Island qu’elle est «parfois drôle, parfois étrange, parfois tragique et parfois mélancolique, exactement comme la vie».

Egalement présente dans cette exposition, la série de photographies «Alzheimer». Peter Granser nous fait découvrir les divers visages sous lesquels se manifeste la maladie d’Alzheimer, ses photographies illustrent le courage des victimes dans la lutte qu’elles mènent face à la maladie et témoignent de la remarquable dignité avec laquelle elles affrontent l’effacement de leurs souvenirs les plus intimes. Ni la perte éprouvée par les victimes, ni leur souffrance et celle des familles n’y sont occultées mais il y transparaît en même temps la dignité intacte des personnes face à des situations des plus pénibles. «Il est presque impossible de n’être pas fasciné par ces visages, de ne pas se laisser absorber par les destins qu’ils incarnent», écrit Christophe Ribbat.

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