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Communes mesures des dissemblables

06 Sep - 22 Sep 2012
Vernissage le 06 Sep 2012

Dominique Gauthier fait partie de ces peintres qui travaillent par «ensembles», terme qu’il préfère à celui de «séries». Le tout forme une véritable constellation picturale, où se mêlent techniques diverses et formats variés. Ces ensembles sont apparus dès le début de sa pratique, à l’aube des années 1980, et n’ont jamais cessé de se développer.

Dominique Gauthier
Communes mesures des dissemblables

«Je ne peux pas être un peintre abstrait, je ne veux pas être un peintre figuratif. Je me situe à la frontière de la figuration, à moins que la figuration ne soit à la frontière d’autre chose.»
Dominique Gauthier

Les ensembles
Les ensembles composés par Dominique Gauthier ont eu tendance à proliférer dans les vingt dernières années, en fonction du déploiement de son travail. On pourrait qualifier ces différentes proliférations de «séries», sans se contredire avec ce qui précède.
En effet, avec le temps et l’expérience, ces différentes séries ont nourri ces ensembles, de manière à les rendre de plus en plus riches, conséquents et nuancés.

Au fil des ans, ces ensembles ou ces cycles se sont constitués à partir de forces centrifuges, de telle sorte qu’actuellement, c’est-à-dire depuis environ dix ans, leur nombre s’est stabilisé et tourne autour de cinq.

Le travail s’est-il pour autant limité? Non, il se serait plutôt approfondi, se nourrissant des pratiques antérieures comme pour mieux en dégager quelques lignes de force essentielles, sans pour autant renoncer à diverses recherches picturales et formelles.

Des titres
Qui plus est, ses ensembles sont tous nommés. Leurs titres sont de facto indissociables de leur pratique, puisqu’ils les définissent et les catégorisent, posant là les premières ébauches d’un inventaire. Ils constituent en quelque sorte des bornes dans le parcours du peintre. Pour lui, les titres signifient qu’à un moment donné, le travail s’est penché sur une question précise. C’est pour enregistrer quelque chose de l’ordre du temps. Le titre de l’ensemble vient signifier presque un calendrier, une espèce d’inscription dans l’expérience.

Si on insiste sur cet aspect, c’est qu’il semble important à la compréhension du travail dans sa globalité, car la pratique de Dominique Gauthier est généreuse dans sa production, riche dans sa diversité stylistique et inscrite volontairement par l’artiste dans sa temporalité personnelle: Les titres constituent une façon de nommer un moment, une époque, une période, une intention, une vision finalement. Ils sont de l’ordre de la nomination, ce sont des noms propres.

Le peintre les considère même comme une catégorie de présences d’un immense récit qui n’est pas accompli. Il vient intervenir comme des figures, des personnages actifs d’un grand projet d’écriture plastique, d’écriture picturale. Il insiste et revient sur leur notion d’extériorité.
Effectivement ils sont de l’ordre de l’extériorité par rapport à l’engagement pratique et pictural, par rapport à ce que l’on voit.

La nuance est judicieuse, car tout ce qui précède semblerait vouloir signifier que le travail de Dominique Gauthier est difficile d’accès, ce qui n’est absolument pas le cas. Selon les cycles abordés, sa pratique picturale peut aller du minimalisme tiré au compas au baroque échevelé, de l’abstraction rigoureuse aux frontières de la figuration. Selon les cycles, il travaille tant le noir et blanc que la couleur, utilise les grands comme les petits formats, et il peut tout aussi bien épuiser des démarches quasi sérielles que laisser le travail évoluer par accident, certes maîtrisé en partie.

Constamment en équilibre entre ces différentes polarités («j’alterne des périodes squelettiques à des périodes polychromes très exubérantes»), sa peinture semble vouloir laisser s’épaissir le mystère à chaque fois que l’on désire s’en approcher de plus près, pour en comprendre les relations auxquelles nous invite son auteur. Les pistes qu’il nous lance, les indices qu’il nous distille, les clés qu’il nous donne, ne font qu’entrouvrir des portes qui, à peine entrebâillées, amplifient nos interrogations. Elles nous entraînent dans d’autres arcanes de sa peinture et nous invitent à en découvrir les subtilités ou les mises en cause, comme le révèle le titre d’un cinquième ensemble, de moins en moins marginal et combien révélateur des ramifications de l’œuvre: les Réponses à la réponse.

Car la peinture de Dominique Gauthier est tout sauf superficielle, parce que les dérives sont contrôlées et les contraintes débridées. Le geste peut être aussi précis et contrôlé que les hasards bienvenus et appréciés, être aussi rapide que ceux-là sont lents.

Bernard Marcelis, 2012

Extraits du texte Les constellations picturales à paraître dans la monographie aux Editions Analogues, coproduction Villa Tamaris et galerie les Filles du Calvaire, avec le soutien de la DRAC Languedoc Roussillon

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