ÉCHOS
29 Jan 2011

Commission Européenne: Bill Viola et Dan Flavin ne font «pas de l’art»

PElisa Fedeli
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La Commission Européenne a refusé d’octroyer la taxe exonérée, dévolue aux œuvres d’art, à des installations de Bill Viola et de Dan Flavin. Après avoir débattu de ce qui constitue intrinsèquement une œuvre, elle aboutit à la conclusion absurde que Dan Flavin et Bill Viola ne font «pas de l’art»!

Dans un article assez comique, The Art Newspaper révèle la dernière élégance de la Commission Européenne.

En décembre 2010, la Commission a refusé de reconnaître que les installations de Bill Viola et de Dan Flavin sont des œuvres d’art! Elle considère en effet que, dans le travail du premier, «Les composants ont été légèrement modifiés par l’artiste, ce qui ne modifie pas leur fonction originale de lecteurs vidéo et de haut-parleurs». Quant aux néons du second, ils «ont les caractéristiques des appareils d’éclairage et doivent donc être classés comme appareils d’éclairage mural». Certains des arguments avancés frisent le sophisme: «Ce n’est pas l’installation qui constitue l’œuvre d’art mais l’effet de lumière qu’elle projette» (Le Monde, 26 janv. 2011).

Cette décision est d’autant plus étonnante qu’elle vient contredire celle prise, deux ans auparavant, par un tribunal britannique sur le même sujet. En 2006, la galerie Haunch of Venison avait voulu importer, depuis les Etats-Unis jusqu’à Londres, une installation vidéo de Bill Viola (Hall of Whispers, 1995) et une sculpture en néons de Dan Flavin (Six Alternating Cool White/Warm White Fluorescent Lights Vertical and Centred, 1973). Les douanes britanniques avaient refusé de leur appliquer la taxe exonérée dévolue aux œuvres d’art, qui ne dépasse pas les 5%. Le galeriste avait alors intenté un procès et obtenu gain de cause.

Ce n’est donc pas la première fois que les douanes considèrent des œuvres d’art comme de simples équipements. L’affaire la plus ancienne remonte au «procès de Brancusi contre les Etats-Unis» en 1927. Le marchand Edward Steichen et Marcel Duchamp avaient protesté contre la taxation d’une sculpture en bronze de Brancusi, L’Oiseau dans l’espace (1925), que les douanes américaines avaient classée comme «ustensile de cuisine et équipement hospitalier»! Au terme du procès, les douanes avaient finalement reconnu leur erreur. L’Oiseau fut tenu pour abstrait et représentant d’«une nouvelle école».

Si le procès de Brancusi a eu le mérite de débattre des conventions ontologiques de la sculpture et d’aboutir à la reconnaissance juridique d’une révolution artistique, celui de Flavin et de Viola est moins heureux. Les membres de la Commission Européenne n’auraient-ils pas besoin de quelques cours d’histoire de l’art, pour se mettre au fait des évolutions de l’art? Cela fait plus d’un siècle que les artistes détournent des objets usuels, dont les musées sont remplis.

Mais plus que par ignorance, la Commission Européenne n’a-t-elle pas agi par pure cupidité? Il faut dire que des sommes importantes sont en jeu, le déclassement des œuvres d’art entraînant leur taxation au pourcentage plein de la TVA (de 15 à 20% selon les pays de l’Union Européenne). Reste à savoir si les œuvres de Viola et de Flavin seront taxées sur la valeur du matériel qu’elles empruntent ou à la mesure de leur cote sur le marché… Pour beaucoup, les faux débats de la Commission Européenne sont un vol pur et simple.

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