ART | CRITIQUE

Comment faire avec les crabes, les coléoptères, les fourmis, les lézards, les oiseaux et les souris

PFlorence Mottot
@22 Sep 2009

Amoureux de la métamorphose, curieux des changements d'état de la matière, Michel Blazy nous convie avec son exposition intitulée «Comment faire avec les crabes, les coléoptères, les fourmis, les lézards, les oiseaux et les souris?» la mise en scène d'un étrange bestiaire.

Sous l’apparente absurdité du titre de l’Å“uvre, un brin déroutant, et qui n’est pas sans rappeler le Comment voyager avec un saumon d’Umberto Ecco, se cache une proposition formelle simple, qui prend au pied de la lettre son énoncé en plaçant le vivant au cÅ“ur de l’installation.

Dans la première salle de la galerie, le sol et un des murs sont recouverts d’une moquette qui accueille, par intermittence, un lâcher d’escargots. Des vaporisations de bière guident le parcours des mollusques, qui laissent derrière leur passage des traces brillantes et temporaires. La moquette devient ainsi un support pictural dont l’aspect sans cesse renouvelé est aussi bien aléatoire qu’éphémère.

Le sol est le lieu d’un second écosystème. Une fourmilière a pris ses quartiers dans une sculpture en plâtre, fabriquée par l’artiste. Bâtisseur d’univers évolutifs, Michel Blazy aime tenter d’en contrôler les transformations, tout en laissant l’impression paradoxale que les phénomènes se produisent par hasard. Une lumière suspendue au-dessus du dispositif et une nourriture placée à son sommet incitent les fourmis à occuper la surface de la sculpture.

Au plafond de la salle sont suspendus des baguettes de pain, percées par l’artiste afin de créer des espaces pour des coléoptères. Ces derniers vont se nourrir du pain, créant des sculptures de mie, encouragés à moduler la matière, à «faire Å“uvre» de manière autonome.

Aux murs sont accrochées des peintures réalisées avec des crèmes dessert au chocolat, à la vanille ou à la pistache, qui ont été mangées par des souris avant leur exposition et qui poursuivent leur dégradation dans la galerie, sous l’Å“il des observateurs.

L’artiste confronte ainsi produits naturels standardisés et nature vivante. Il met en jeu une multitude d’infimes mouvements qui ne cessent de faire et de défaire les formes à chaque instant, manière de créer un espace intermédiaire, entre le domestique et le sauvage.

Cette réflexion se poursuit avec la vidéo The Party, projetée dans la seconde salle, réalisée par Michel Blazy en Martinique et qui consiste à observer le comportement des crabes et des oiseaux mis en présence de sculptures composées de fruits en boîte.

Dégradations des surfaces, décrépitudes des formes, ces phénomènes fragiles du vivant sont, au final pour Michel Blazy, une façon de tester ce qu’il reste du potentiel naturel de la matière.

Michel Blazy
— Le Lâcher d’escargots, 2009. Escargots, moquette. dimensions variables.
— Le Gâteau, 2009. Plâtre, plat en verre, capsule de bière (contenant du sirop de sucre de canne, des insectes et des oeufs), huile d’olive, lampe, fourmilière contenant 200 ouvrières Serviformica fusca et leur reine. 25 x 35 x 25 cm.
— Ténébrion meunier, 2009. Coléoptères ténébrion meunier, pain, saladier en verre et farine complète. Dimensions variables.
— Papillon-araignée, 2009. Crème dessert au chocolat et oeufs sur médium grignoté par des souris. Diptyque, 80 x 120 cm.
— Branche, 2009. Crème dessert au chocolat et à la vanille, oeufs, lait concentré sucré sur bois grignoté par des souris. 80 x 60 cm.
— The Party, 2009. Vidéo couleur et sonore. 10 minutes.

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