ART | EXPO

Comme des choses gelées

21 Juin - 28 Sep 2008
Vernissage le 21 Juin 2008

Située sur le parcours artistique de la "Dégelée Rabelais", l’Abbaye de Lagrasse accueille un exposition qui considère le dortoir des moines comme le centre d’un monde dans lequel plusieurs éléments seraient en attente de dégeler, de retrouver une essence nouvelle.

John Armleder, Michel Blazy, Alain Clairet et Anne-Marie Jugnet, Remi Dall’Aglio, Emmanuelle Etienne, Le Gentil Garcon, Liliana Moro, Eoin McHugh

Comme des choses gelées

En pleine mer, Pantagruel entendit des gens parler dans les airs sans pour autant voir quiconque aux alentours. Sur ses injonctions, ses compagnons se mirent « à humer l’air à pleines oreilles, comme de belles huîtres en coquille, pour entendre si quelques voix ou sons s’y répandaient ». Tendant attentivement l’oreille, persévérant à écouter, ils discernèrent des voix « au point d’entendre des mots entiers ».

« Mais écoutons. J’ai lu quelque part qu’un philosophe nommé Pétron pensait que plusieurs mondes se touchaient entre eux, formant un triangle équilatéral, à la base et au centre duquel il affirmait que se trouvait le séjour de Vérité, et y habitaient les Paroles, les Idées, les Modèles et les Représentations de toutes choses passées et futures, et tout autour se trouvait le Siècle… De plus, Antiphane disait que la doctrine de Platon concernant les paroles était identique ; celles-ci lorsqu’elles sont proférées dans quelque contrée au temps de rude hiver, gèlent et se transforment en glace à la froideur de l’air, et on ne les entend plus… Ce serait le moment de philosopher et de rechercher si, par hasard, se trouverait ici l’endroit où de telles paroles dégèlent… »,  Quart Livre, Chapitre 55.

Le projet d’exposition consiste à considérer le Dortoir des moines de Lagrasse comme ce « centre » d’un monde, le nôtre, dans lequel plusieurs « choses » seraient en attente de dégeler. Ces objets, dont le statut artistique n’est pas toujours avéré, prendront tous l’apparence de sculptures blanches, en plâtre, marbre, os ou ivoire, etc., et seront présentées sur des socles.
Séduit par le lieu, l’artiste irlandais Eoin McHugh qui pensait présenter son lustre en chocolat blanc a choisi de concevoir une œuvre originale pour ce lieu.
Une pièce sonore, la Pompe grégorienne de Rémi Dall’Aglio, émettra un son sourd suggérant (ironiquement) l’existence de ces dimensions échappant à notre sensibilité et à notre intelligence.

Car c’est surtout la « nature » même du réel qui est interrogée, et non pas simplement celle du langage et des mots, comme chez Rabelais : art ou non-art, matière triviale ou « spirituelle » des œuvres d’art, l’art contemporain est le domaine où se mettent en doute, depuis le début du XXe siècle, les hiérarchies sociales et culturelles qui ordonnent les réalités matérielles, leurs usages et leurs significations. Ce qui fit dire à Marcel Duchamp que « Rabelais était le premier des dadaïstes ».

Habitués des lieux, les organisateurs du célèbre Banquet du Livre intègreront l’exposition dans leur programmation 2008 (du 2 au 8 août) dont le thème est « Le monde existe-t-il ? ». L’abbaye offrira son cadre à l’événement de clôture de La dégelée Rabelais en Languedoc-Roussillon sous la forme d’un « banquet des vendanges» au cours duquel chefs cuisiniers, vignerons, écrivains et conteurs rivaliseront de créativité pour rendre justice à l’œuvre du génial carabin.

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