LIVRES

Claude Viallat – marques et passages

Rassemblant cinq études sur différentes thématiques (l’espace, les objets, le livre, etc.), l’ouvrage de Pierre Manuel nous démontre la complexité de l’œuvre de Claude Viallat, autant dans ses rapports à l’espace qu’aux éléments de figuration; autant dans la diversité des genres traités que dans ses jeux avec l’histoire de l’art ou celle des civilisations.

Information

Présentation
Pierre Manuel
Claude Viallat- marques et passages

Autant les catalogues d’expositions de Claude Viallat sont nombreux, autant les études sur son œuvre sont rares, comme si la répétition d’une même forme quelconque décourageait l’analyse. Pourtant cette œuvre est polymorphe — autant dans sa genèse et son devenir que dans ses supports et ses objets. L’ accrochage des expositions récentes de Forcalquier ou du Château de Ratilly comme la rétrospective du Musée Fabre montre clairement les déplacements multiples des toiles aux objets ou aux cerceaux, des peintures tauromachiques aux livres ou aux estampes. Et même si ce travail est «spiralé», se développant par reprises plus que par ruptures, sa continuité et sa cohérence laissent une place entière aux surprises et à l’humour.

Rassemblant cinq études écrites sur une vingtaine d’années, Pierre Manuel, dans Claude Viallat – marques et passages tente de restituer la complexité de cette œuvre, autant dans ses rapports à l’espace et aux lieux d’exposition que dans la diversité des genres traités (toiles libres, peintures sur papier ou autres supports, «objets», arts décoratifs, livres, tauromachies); autant dans ses jeux avec l’histoire de l’art — en particulier récente de Matisse au pop art — ou celle des civilisations qu’avec les éléments de figuration qui parcourent plus ou moins souterrainement cette œuvre.

Le moment Supports/Surfaces est étudié dans ses présupposés théoriques — plastiques ou politiques; mais aussi la place que donne Claude Viallat au livre d’artiste — dimension peu connue de son travail malgré les 170 titres d’ouvrages où il est intervenu. Comprendre une œuvre dans ses principes esthétiques, en dégager les enjeux théoriques et la cohérence, les rattacher au fond anthropologique auquel ils se réfèrent souvent — celui de civilisations non-occidentales comme de la riche culture tauromachique — là sont les thèmes traités dans ces études.

«“Je pense les choses en ponctuation, en plaçant dans une surface ou un espace donné, les éléments qui vont ponctuer cet espace.” Ponctuer: organiser une surface, la parcourir et la rythmer, l’unifier tout en soulignant la diversité des plans. La “Forme-Viallat” est d’emblée l’outil de cette ponctuation dès qu’il a été clair pour l’artiste que la représentation des apparences de la réalité comptait moins que son appréhension directe, “à bras le corps”.

Il y a bien sûr une histoire de cette forme qui en laisse affleurer la polysémie autant du côté organique (évocation stylisée d’un dos féminin) que métaphorique (l’éponge comme une palette); ou encore le dessin d’un filet comme un renvoi à la trame relâchée du tissu. Viallat a évoqué aussi les pochoirs utilisés dans la décoration méridionale; d’autres y ont vu l’ombre de taureaux. Mais l’essentiel n’est pas dans ce qu’elle évoque mais dans sa capacité à parcourir indéfiniment l’espace par delà toutes les significations que nous pouvons donner aux choses qui l’occupent.

Elle oblige le spectateur à oublier ce qu’il cherche d’abord — du sens — et à appréhender la complexité des relations spatiales: comment une toile peinte, par son espace propre, agit sur d’autres espaces, les redessine, les occulte ou les rend enfin visibles. Comment cet espace “propre” résulte d’abord d’espaces superposés, emboîtés, opposés, accordés, développés autant d’ailleurs par les contours ou le format des toiles que par la luxuriance de leurs couleurs ou par la sensualité de leurs textures. L’espace ici n’est pas celui de la géométrie et de l’architecture classique qui implique l’unicité d’un point de vue mais une relation complexe et flottante de notre corps aux corps proches ou plus lointains. Le regard implique le déplacement, il saisit l’envers et l’endroit, il inverse les directions: il retourne l’ordre des choses.»
Pierre Manuel

Sommaire
— Marques et passages
— Formes et figures
— Sur le fil
— Retour sur les «intentions initiales» de Supports/Surfaces
— Claude Viallat et les livres
— Bibliographie des livres illustrés par Claude Viallat