ART | CRITIQUE

Claude Closky, Nouvelles Peintures

PAnne-Lou Vicente
@13 Août 2009

Nouvelles Peintures: sous ce titre aussi explicite que minimaliste, l’exposition de Claude Closky réunit un ensemble de monochromes évoquant des diagrammes. Hors de toutes données statistiques, l’artiste figure l’avènement de la forme et du signe.

Le titre de l’exposition que Claude Closky, lauréat du prix Marcel Duchamp en 2005, présente aujourd’hui à la galerie Laurent Godin paraît sans équivoque. Nouvelles Peintures: un titre qui n’en dit pas long. Un quasi non-titre, qui vise à l’essentiel.

Les œuvres confirment la pertinence du choix d’un tel titre qui écarte la subjectivité, l’interprétation ou l’émotion. Les Nouvelles Peintures de Claude Closky, précisément «sans titre», sont plus que de simples tableaux. Une série de neuf rectangles de couleur (rouge, bleus, noir, griis, bronze) et de hauteur variables, disposés verticalement, se répondent d’un mur à l’autre, sans pour autant se correspondre, s’associer, ne serait-ce que d’un point de vue chromatique. Monochromes, ils évoquent immédiatement les diagrammes utilisés en statistique.

Face au visiteur se dressent majestueusement les faux documents, dominants, grands et lourds. En évacuant les chiffres, dates, abscisses et ordonnées habituellement associés à ces graphiques, Claude Closky en évide le sens et la fonction au profit de la forme.
Ainsi neutralisés, ces graphiques factices, à défaut de faire sens, font signe. Ils déploient toute leur froideur injustifiée, car dé-chiffrée. Toute leur vanité minimaliste, leur vacuité emplie de couleur, leur plane superficialité. A y regarder de plus près, la surface se révèle n’être pas totalement lisse. L’artiste aura délibérément laissé sa trace à travers celle de son pinceau…

Sans remonter à ses débuts au sein des Frères Ripoulin dans les années 80 (aux côtés de Pierre Huyghe et Jean Faucheur notamment), Claude Closky a réalisé deux séries de peintures en 2003 et 2005, dont un ensemble de tondos exposés à la galerie Edward Mitterrand à Genève en 2005. Ces «roues de la fortune» adoptaient la forme circulaire des «camemberts» utilisés en statistique. Également décrochées de leurs balises, ces formes égarées, tantôt bicolores tantôt multicolores — une part = une couleur —, arbitrairement sectionnées et colorées s’offraient en tant que formes, en tant que signes, et faisaient œuvres.

En reprenant ces formes fidèles aux statistiques peuplant journaux, magazines et écrans divers, en les évidant de leur sens et en les séparant ainsi de leur légitimité première, Claude Closky reprend le message que véhiculent la plupart de ses œuvres. Des médias qui nous entourent et nous emplissent, il extrait la forme ou l’image pour en faire le signe, le paradigme, susceptible de générer un nouveau sens, une émotion esthétique, par-delà les vérités scientifiques. Opérant un changement d’échelle et de support, il dresse devant nous les signes d’une société drainée de chiffres qui aurait perdu ses repères.

Claude Closky
— Untitled (Blue 300), 2006. Acrylique sur toile. 300 x 225 cm (200 x 100 et 300 x 100). Pièce unique.
— Untitled (Grey and Black 400), 2006. Acrylique sur toile. 400 x 225 cm (250 x 100 et 400 x 100). Pièce unique.

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