PHOTO | CRITIQUE

Cité novela

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Des photographies d’une autre époque qui prennent pourtant un air d’actualité par leur force narrative et l’histoire que le regardeur ne peut s’empêcher d’inventer en les contemplant. La plupart proviennent des fotonovelas réalisés par Antonio Caballero dans les années 60 et 70.

Entre 1963 et 1978, Antonio Caballero a réalisé plus de 500 romans photos. Un genre facile, glamour, qui a presque disparu aujourd’hui, tant est si bien qu’il en redevient tendance.

Les sujets sont évidemment, comme dans tout bon roman photo qui se respecte, des histoires d’hommes et de femmes, d’amour, de jalousie, de trahison, … un pathos qui se joue dans un cadre visiblement normé et figé, mais qui fascine par cette alliance contre nature entre le kitsch et l’épure nécessaire à l’expression d’une tranche de vie en quelques images.

Ce trouble est renforcé par l’absence des textes et des bulles qui à l’origine fixaient les paroles des personnages. En supprimant les dialogues, Caballero donne un tout autre caractère à ses images. Il ouvre une zone floue dans l’interprétation et suscite les projections de celui qui les contemple.

Les décors occupent une place prépondérante dans ses photographies. Que ce soit en extérieur, où il situe ses prises de vue dans des architectures modernes, ou dans les intérieurs toujours à la pointe du design de l’époque. Il immortalise l’âge d’or de la modernité au Mexique et c’est là aussi qu’il faut trouver le pouvoir de séduction de ses clichés. Ils nous font pénétrer dans une époque dont notre société semble aujourd’hui avoir la nostalgie.

Pourtant, si son art semble attaché à un temps donné, les personnages qu’il met en scène traversent l’histoire et incarnent l’homme dans sa virilité et la femme dans toute sa féminité. Ces dernières, surtout, habillées et maquillées de manière sophistiquée, ressemblent à des poupées, elles incarnent l’objet de tous les désirs. Dans un monde factice, elles sont au cœur d’un jeu de séduction et déploient tous leurs appâts pour capturer le regard masculin.

Les noirs et blancs de ses tirages sont également d’une grande beauté plastique. Caballero privilégie les éclairages intenses qui mettent un coup de projecteur sur les personnages et leur donne ainsi une aura toute particulière. Au fil des images, on découvre un style qui se caractérise par des compositions très structurées et rythmées, où la lumière immortalise les postures sophistiquées des modèles.

Au sous-sol de la galerie, il ne faut pas manquer de voir Un marido vulgar. Composition de plusieurs photographies aux formats inégaux qui présentent en kaléidoscope les heures heureuses de la vie d’une femme – ou plutôt d’une épouse comblée ? – à Mexico en 1966. Son sourire figé garde son mystère et nous laisse imaginer les pensées les plus troublantes… en même temps que les scènes nous transportent dans un mode de vie idéal, celui d’une bourgeoisie dorée des années 60 à Mexico.

Antonio Caballero
— Sans titre, série « Fotonovelas 1975-77», n.d. Photo noir et blanc.
— Diana Mariscal, série «Fotonovelas 1975-77», n.d. Photo noir et blanc.
— Hector Suarez, série «Fotonovelas 1975-77», n.d. Photo noir et blanc.
— Chica con lampara, série «Fotonovelas 1975-77», n.d. Photo noir et blanc.
— El silencio del amor, série «Fotonovelas 1975-77», n.d. Photo noir et blanc.

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